Brothers.
Comédien discret passé rapidement à la mise en scène, pour le meilleur ("Friday Night Lights") comme pour le pire ("Battleship"), Peter Berg peut cependant se vanter d'afficher une certaine cohérence...
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le 17 juin 2014
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Ancestrale tradition hollywoodienne communément assortie d'un zeste de patriotisme latent plus ou moins exacerbé, de nombrilisme mégalomane voire de propagandisme avunculaire et condescendant pour le droit d'ingérence de l'Oncle Sam, les superproductions guerrières américaines obéissent à un assortiment de divers stéréotypes dans une ambiance manifeste de camaraderie et de culs à botter. La mode étant aux histoires "inspirées de faits réels", il est actuellement d'usage d’insister lourdement sur ce point avec une mention solennelle et sobre en lettres blanches sur fond noir. C'est limite si on ne te saute pas à la gorge pour t’assener que tout ce que tu vas voir ne relève pas de la fiction et que si les situations présentées ne sont pas parfaitement réalistes et véridiques, celles-ci reposent sur une base factuelle et collent au plus près à la réalité. Autant dire que le film part avec un sacré boulet au pied, l'hybridation du nécessaire grand spectacle au romançage systématique avec le besoin de vraisemblance qu'exige une adaptation voulue réaliste étant relativement casse-gueule même pour des cinéastes et des scénaristes talentueux.
C'était plutôt bien parti, malgré les défauts inhérents au genre. Je pense que tout le monde est au courant de la propension des films de guerre à faire dans l'excès de pathos, au point, qu'ironiquement, ça en devienne pathologique. On reste donc dans un registre très américain, sur fond de conflit afghan et avec pour thèmes les sens du devoir et du sacrifice ainsi que le courage, l'amitié fraternelle des camarades guerriers... Mais malheureusement le film s'est mis à en faire des tonnes tout en essayant absolument de rendre épique l'intégralité de la séquence de combat des quatre marines contre une bonne centaine de talibans. Je n'aurais absolument rien contre, s'il s'agissait d'un film d'action au surréalisme complètement assumé. Or il s'agit ici d'un film narrant une histoire tirée d'évènements réels et se voulant crédible. Alors certes, je suis d'accord que ce sont des soldats entraînés et que l'adrénaline les booste mais aucun être humain normalement constitué n'aurait pu se relever comme ça après avoir subi autant de chocs successifs et d'impacts de balles. Pour m'être brouté de nombreuses fois en vélo, même avec une sacrée adrénaline il faut un moment pour se remettre d'une bonne chute sans même s'être cogné la tête, alors ne parlons même pas du fait de se relever en cinq secondes avec avoir dévalé une pente en s'éclatant contre des rochers avec 3 balles dans le corps. Mais non, je déconne en fait, dans la vraie vie ça se passe comme ça :
- Hé Marco, la forme ?
- Ah salut Matt ! Ouais ça va, tranquille !
- T'es sûr ? T'as l'air un peu groggy, patraque, enfin bref pas dans ton assiette, flagada, voire même carrément foutu en l'air, mais foutu en l'air genre brutal, pas un truc de fiotte tu vois...
- Mais non ! Pas du tout ! Je n'ai pris que trois balles : une dans la cuisse, une dans l'épaule et une autre dans le ventre.
- C'est rien ça ! Tu t'es transformé en fillette ou quoi ?
- Après bon, je me suis un peu cassé la gueule, il y avait deux ou trois rochers en dessous mais ça reste quelques petits impacts de rien du tout. La colonne, la tête c'est relativement solide quand même, et puis c'est la deuxième de la journée, on s'y habitue. On m'a aussi balancé une grenade, mais bon à 10 m ça ne fait plus rien ces gadgets-là, mis à part un foin pas possible. Bref c'est un peu comme un pétard un 4 juillet, dans le genre ambiance détonante. On n'est pas des pédales, merde ! On est des putains de Navy SEALs ! Le fin du fin des troupes d'élite de notre grand pays ! De toute façon ça reste toujours mieux qu'une visite chez le dentiste.
- Oh putain mais c'est pas vrai ! Arrête de dire de la merde un peu, bordel ! Tu me casses le moral. Et les couilles. Le dentiste franchement, où tu vas chercher des horreurs pareilles ? On passe une bonne petite journée tranquille et il faut que tu te la ramène avec tes conneries. Tu me rappelles que ma femme m'oblige à y aller tous les ans, t'as pas honte de me remémorer ces choses monstrueuses ? Ah là là, c'est pas une vie ça, moi je te le dis...
Enfin content que t’aille bien, et fais gaffe il y en a un derrière toi.
- Ah ouais c'est vrai triple headshot carabiné, allez salut vieux !
- Attends ! Ils sont où les autres ?
- Ils ne sont pas morts quand même, c'est pas possible, à moins que... Foutu bordel mec ! Ils ont des bombes atomiques !
- T’emballe pas, il faut juste s'éloigner un peu de là où ça tombe.
Et je caricature à peine. Enfin si, un peu quand même. Mais pas trop non plus hein.
En fait le plus dérangeant dans l'histoire c'est que le film avait réussi à garder une certaine cohérence dans le développement des personnages et tout l'aspect ordinaire prêté aux soldats est subitement balayé pour verser dans le spectaculaire pataud sans l'assumer. Ce côté surhumain prêté aux personnages gâche tout ce qui a été fait en amont pour les humaniser, je pense par exemple à la conversation pourtant toute bête d'un soldat avec sa femme, de l'autre dont la fiancée veut un cheval à 15000 $ comme cadeau de mariage, à la rivalité amicale et athlétique de Michael et Danny, au show initiatique tournant au comique du petit nouveau ou plus généralement aux soldats qui parlent de leur avenir et des factures à payer. La scène d'ouverture est d'ailleurs assez parlante. Elle montre les marines lors de leur instruction et insiste sur la difficulté de la formation qu'ils subissent tout en appuyant sur les liens de camaraderie des recrues. L’entraînement est montré comme inhumain, parfois cruel et les difficultés qu'ont les novices ainsi que l'abandon de certains d'entre eux ne sont pas occultées. Seuls les plus forts restent, mais ils semblent tout aussi faillibles et humains que les autres, leur volonté étant juste plus ferme ces derniers sont justes plus résistants et capables d'abnégation.
Ces éléments sont rarement présents dans ce type de film, sauf dans les cas où un soldat parle de ses projets et se fait buter dans les cinq minutes, et en sont donc d'autant plus appréciable. J'ai trouvé ça vraiment dommage. Sacrifier toute cette cohérence narrative pour rendre quelques séquences de combats plus sensationnelles c'est tout simplement du gâchis et on tombe dans une démesure ne servant en rien le déroulement de l'histoire. Le plus ridicule étant la mort du personnage de Taylor Kitsch avec son baroud d'honneur héroïque en slow-motion. Sans oublier la fin usant du procédé particulièrement licencieux consistant à mettre les photos des soldats ayant participé à l'opération. Ou comment transformer un générique en l'apothéose d'une supercherie virant au tire-larmes racoleur et sensationnaliste.
Fort heureusement les talibans ne sont pas caricaturés à outrance, même s'ils sont la chair à canon nécessaire au choix du traitement du sujet par l'action frénétique. Par contre ceux-ci semblent quand même être de sacrés handicapés même pas foutus de viser correctement même à deux mètres ni de tuer quatre soldats alors qu'ils sont une bonne centaine. Sinon l'allusion absolument pas voilée aux lapidations, amputations manuelles et décollations est un lieu commun franchement dispensable. L'une des scènes la plus intéressante du film est la capture de chevriers afghans et le dilemme qui s'ensuit. Cette partie sert à l'étalage d'opinions et d'arguments divers par rapport à l'importance qu'à la presse, aux risques qu'ils prennent en tuant les otages et ainsi que ceux pris en ne les tuant pas. Tuer les otages est le plus sûr mais ils risquent après-coup le scandale médiatique et la cour martiale. Les attacher et puis partir revient à les tuer sans la difficulté de devoir les exécuter et les laisser libres leur fait prendre d'immenses risques. Cette scène montre le côté humain et divers des soldats et donne du relief aux personnages. On peut par contre trouver le fait que l'on puisse percevoir la presse et la convention de Genève comme des empêcheurs de tourner en rond un peu douteuse mais je pense que dans ce genre de cas c'est ce que ressentent les combattants aux prises avec un tel choix cornélien.
Si le film évite le patriotisme outrancier, celui-ci fait part d'une certaine condescendance. Le fait de poser le peuple afghan en victime des talibans est certes une bonne chose, mais oublier qu'ils sont également victimes des Américains et du bordel qu'ils sont venu foutre par pur intérêt économique est un peu facile. Je ne m'attarderai pas trop sur le sauvetage de Marcus par les pachtounes et leur loi tribale et coutumière nommé Pachtounwali imposant notamment l'hospitalité. Retenons juste que c'est bourré de pathos, que les scènes avec le gamin sont assez ridicules, que les Américains se ramènent en larguant un tapis de bombes et qu'étrangement seuls les méchants talibans sont touchés, les gentils pachtounes échappant miraculeusement au mitraillage et au bombardement américain. Guerre propre quand tu nous tiens... D'ailleurs je n'ai pas vu la moindre remise en cause de la présence des forces américaines sur le sol afghan, le seul point de vue un peu critique étant la réaction molle de l'armée pour extraire ce qui reste de l'unité et le manque de moyens disponibles pour sauver les marines. J'espère juste sincèrement que le message véhiculé tient plus du "quitte à envoyer ces mecs au charbon faites en sorte de pouvoir les aider quand ils sont dans la merde" que du "il faut plus de moyens en Afghanistan".
La qualité de la réalisation est acceptable, même si on peut reprocher à la caméra épileptique de l'hyperbole martiale d'être souvent désagréable. Par contre pour les ralentis ridicules à tout bout de champ, c'est non. Sauf pour le premier saut, celui-ci est vraiment badass. En tout cas le cadre est quand même magnifique, les montagnes de Californie, pardon de l'Indu Kush, offrant un panorama plus que séduisant même si la végétation m'a paru peu crédible par rapport au lieu censé être représenté. Je ne m'attarderai pas trop sur la musique, qui ne fait pas trop "POIIIIIINNN" mais restant dans le plus pur style hollywoodien actuel. Rien de bien original, notons la chanson Heroes de Peter Gabriel honteusement utilisée pour racketter vos sécrétions lacrymales dans la rubrique nécrologique finale. Par contre pour les acteurs j'ai été plutôt séduit. Tous tiennent bien leur rôle et évitent de trop en rajouter, ce qui empêche aux scènes déjà excessivement pathétiques de devenir trop lourdes. Marc Wahlberg se débrouille même vraiment bien en soldat rescapé, avec un jeu plutôt crédible. Taylor Kitsch, Emile Hirsch et Ben Foster restent sobres dans leur jeu et si Alexander Ludwig cabotine un peu la séquence reste dans un registre plutôt comique, donc ça passe sans problème. Sinon merci d'être passé Eric ! Tu ne sers à rien mais on t'aime bien quand même !
Mon avis est vraiment mitigé sur Lone Survivor, entre une première partie non dénuée de qualités associée aux procédés racoleurs et artificiels de la seconde, il s'avère qu'il est finalement juste moyen alors que le début était plutôt prometteur. J'aurai quand même appris grâce à ce film que les soldats américains sont capables de se prendre plusieurs balles de kalachnikov, de chuter dans des ravins et de s'y fracasser le dos ainsi que la tête tout en continuant à enchaîner les headshots sur des talibans. On a prévenu le réalisateur que le sujet du film n'était pas Call of Duty ? Heureusement que les protagonistes ne s'appellent pas Xx-Kev-Killer-93-xX ou XxXSN4iperx9XxX, ça nous empêche de nous croire devant un film promotionnel pour un épisode de la très célèbre série de FPS d'Activision. C'est franchement dommage parce que sans ces conneries ça aurait pu être plus que juste pas trop mal.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de guerre, J'ai vu que pas mal de monde faisait une liste des films qu'ils regardaient, j'ai trouvé ça pas con du tout et je lance donc ma liste de films vus en 2014 ! et Les meilleurs films de 2014
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le 9 juin 2014
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