Duck Butter
5.3
Duck Butter

Film de Miguel Arteta (2018)

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À quoi bon perdre du temps à entretenir une relation sentimentale si c'est pour la voir échouer inévitablement après des années irrécupérables ? Autant essayer de recréer celle-ci afin de la vivre pleinement sur une durée de 24 heures non-stop avec comme seule condition de s'envoyer en l'air au moins une fois par heure !


Alors qu'elle voit sa carrière d'actrice freinée par ses perpétuelles remises en question, Naima (Alia Shawkat) fait la connaissance d'une jeune chanteuse espagnole, Sergio (Laia Costa), dans un bar. Le coup de foudre entre les deux est immédiat et Sergio fait donc rapidement cette surprenante proposition à laquelle Naima accepte de participer sur un coup de tête.


La passion suivant les premiers instants de la rencontre, les sourires, les longues conversations futiles dérivant vers des questions existentielles où l'on écoute aveuglément les conseils prodigués par notre partenaire, le premier conflit, la première réconciliation, les doutes naissants, le moment où l'on découvre la véritable personnalité de l'autre au-delà du seuil des apparences, l'embarrassante rencontre avec l'entourage familial, les efforts pour accepter des défauts de plus en plus présents à nos yeux, les non-dits refoulés, le pressentiment d'un point de rupture imminent et inévitable... L'expérience de relation amoureuse condensée menée par Naima et Sergio est un indéniable succès dont les jeunes femmes oublient le procédé en cours de route, comme emportées par la puissance de cette liaison vécue à 1000 km/h et où le poids des années se retrouve remplacé par la fatigue d'une nuit blanche. Le sexe aura beau être en quelque sorte le ciment scellant chaque fin d'étape, il n'apparaît que comme une donnée de plus, cherchant souvent à camoufler à court-terme et de manière illusoire les difficultés vers lesquelles elles se dirigent. Dans la dernière partie, choisir d'allier les ultimes espoirs de leur relation avec une vie sexuelle plus débridée symbolisera d'ailleurs la consommation d'une rupture dont les deux jeunes femmes auront désormais conscience.


L'intensité de l'expérience partagée et menée dans "Duck Butter" (on vous laisse découvrir la signification du titre dans le film) est à mettre, en premier lieu, au crédit de ses deux incroyables actrices. Hormis quelques apparitions sympathiques dans la partie introductive (les frères Duplass également producteurs et Kumail Nanjiani dans leurs propres rôles), le film de Miguel Arteta est porté en grande majorité par les prestations d'une formidable Alia Shawkat avec (enfin) un véritable rôle à la hauteur de son talent qu'elle a elle-même coécrit et une Laia Costa, qui, après avoir été révélée par le bijou "Victoria", suit une jolie carrière dans le cinéma indépendant US avec, visiblement, une prédilection pour les long-métrages décortiquant les relations sentimentales (le très bon "Newness" notamment). Les deux comédiennes transcendent la faiblesse des contours de leurs personnages, peut-être un des gros points noirs du film (Naima est l'archétype de la fille en plein doute, introvertie et pessimiste tandis que Sergio est celui de la fille étrangère, libérée, semblant prendre la vie comme elle est pour mieux masquer sa fragilité) et font passer la puissance de la relation vécue autant par le naturel de leurs jeux que par leur alchimie flagrante à l'écran.
Elle sont le coeur et la plus grande qualité de "Duck Butter", un long-métrage très bien exécuté mais qui, finalement, dépouillé de son procédé de vision accélérée, nous offre une variation autour du couple somme toute classique, vers une évolution inéluctable des personnages dans une fin aussi touchante de simplicité qu'elle laisse l'impression qu'il y avait peut-être plus à faire pendant ces dernières minutes.


Après tout, le postulat de cette expérience était faussée dès le départ, Naima et Sergio avaient oublié une donnée essentielle : une relation amoureuse n'est jamais une perte de temps, elle est aussi elle-même une étape de vie qui nous permet de grandir intérieurement à travers ses bonheurs et ses épreuves. Et c'est ce que "Duck Butter" s'est employé à démontrer avec une certaine justesse...

RedArrow
6
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le 10 juil. 2018

Critique lue 3.3K fois

17 j'aime

RedArrow

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