Échos d'un sombre empire
7.2
Échos d'un sombre empire

Documentaire de Werner Herzog (1990)

Documentaire absolument fascinant que cette plongée dans les ruines du règne de Bokassa. Le film de Herzog a cela de particulier qu'il est autant une enquête sur ce règne qu'un portrait du journaliste qui là mène devant nos yeux, Michael Goldsmith, emprisonné dans les geôles de l'Empire avant d'être relaché. Débutant par une intervention de Werner Herzog lui-même nous informant qu'il n'a plus de nouvelles de son ami journaliste et qu'il s'inquiète pour sa vie avant de nous lire une lettre laissée par ce dernier. Puis, nous découvrons ce fameux Goldsmith, personnage énigmatique qui nous dévoile progressivement la raison de son intérêt pour le régime décadent de Jean-Bedel Bokassa. Avec un grand calme et gentillesse, il rencontre les différents protagonistes de ces années-là, leur raconte ses mésaventures avec l'Empereur sous leur regard parfois incrédule, comme pour tenter de comprendre comment à la fois l'entourage du chef d'Etat et même tout un peuple à pu laisser advenir et prospérer un tel régime. Il rencontre les innombrables femmes de Bokassa, ses dizaines d'enfants, des anciens hauts placés du régime, des opposants aujourd'hui revenu aux affaires, des avocats,... Ce qui fascine, c'est le sentiment de détachement qui ressort de ces multiples entretiens. Alors que Goldsmith tente de déméler le vrai du faux, de confronter le mythe aux faits, il ne rencontre que peut de réponse et quand il en obtient, difficile de savoir si les témoignages peuvent être pris avec sérieux tant tout les protagonistes ont l'air de se foutre complètement de leur propre Histoire. Ainsi, un individu nous montre où Bokassa aurait fait cuire des êtres humains, les frigos où il conservait les corps, un autre nous indique les crocodiles ou lions auxquels l'Empereur aurait jeté des centre-africains, le tout sans qu'aucune émotion ne semble surgir chez ces témoins. Et quand Goldsmith emmène des enfants visiter les cellules où il fût torturé, cela résonne comme de vieilles légendes d'un temps ancien.


Ainsi, le film apparaît, d'avantage qu'un reportage sur un régime totalitaire et sanguinaire, un film sur la mémoire et comment l'horreur parvient à s'oublier et à se confondre avec la légende. Tout juste dix ans après la fin de l'Empire, tout semble avoir été oublié alors que les stigmates sont pourtant toujours là, comme des fantômes que l'on veut oublier. Après une ultime tentative d'avoir des réponses à ses questions, Goldsmith, presque neurasthénique et devant le spectacle déconcertant d'une gorille fumant une cigarette, se tourne vers la caméra de Herzog et lui demande d'arrêter de filmer. « Je n'en peux plus ». Il ne trouvera jamais ses réponses.


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ValM
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le 15 janv. 2016

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