Introspection dans l'évolution de la musique électro; ce à travers le portrait d'un jeune DJ passionné, symbole de la French Touch. Malgré des fausses notes, Eden joue avec justesse sur la corde sensible. Un hommage plutôt vibrant au monde de la nuit.
Le cinéma s’intéresse de plus en plus aux univers qui débordent de débauche. La bonne marche de ce phénomène se trouve dans l'éclectisme des sujets traités. Celui de ce film de Mia Hansen-Løve sonne comme une évidence. Cette infiltration dans le monde de la musique électro est riche de sens. C'est à la fois le portrait d'une fluctuation musicale, une histoire singulière pleine de sentiments et un hommage à une profession artistique.
Eden raconte la vie d'un style de musique, de sa naissance au début des années 90 à aujourd'hui. Autrement dit, de l'avènement à son ultime évolution, en passant par son apogée.
On pourrait envisager que ce parcours soit illustré en traçant la parallèle de celui des Daft Punk. Le célèbre duo est bien présent dans le film, mais en écho dérisoire. Beaucoup de petites allusions amusantes aux particularités du groupe. Il manque finalement à cela une vision de ce que sont devenus les Daft Punk. Les changements artistiques et stratégiques du groupe en dit long sur l'évolution de la musique racontée par Eden. Le choix de ne pas s'axer principalement sur ces personnages est bon, pour autant, ils auraient pu être plus utilisés dans ce récit.
Cette observation est déjà très généreuse. Le film est grossièrement séparé en trois parties et surtout construit comme une musique : introduction, refrains et couplets puis outro. Cette composition souligne très bien le développement de la vie de DJ et de la musique électro, dite "garage". Le point de vue interne est passionnant et permet de mettre en valeur ce milieu artistique, même si ça pouvait être plus approfondi. L'électro version "garage" est un personnage du film à part entière, et il est sacrément mis en valeur. Pour peu qu'on soit amateur du genre, Eden a quelque chose d’exaltant. Musicalement c'est vraiment entraînant.
Irréductible passionné, Paul ne veut pas se résoudre à vivre d'autre chose que de son talent de DJ. Tout le reste est secondaire (ou presque) pour lui; études, santé, famille, amis. Pour autant, la musique n'est pas la seule chose qui compte pour Paul.
Eden raconte la vie sentimentale de ce jeune homme. Son boulot de DJ lui fait rencontrer beaucoup de monde, entre autres des femmes charmées et charmantes.
Il est d'abord éperdument amoureux de son américaine, Julia (Greta Gerwig, encore magnifique). Cette histoire est aussi mignonne que stéréotypé.
Un autre archétype, la fréquentation que Paul a avec Margot (Laura Smet). Banale histoire de manipulation et de femme vénale, pas indispensable mais probablement bien typique de rencontres qu'un DJ peut faire. Attention de ne pas en faire un symbole féminin.
La relation qu'il entretient avec Louise est beaucoup plus intéressante. L'affection se construit progressivement et engendre naturellement les complications d'une relation amoureuse. Pauline Etienne est exceptionnelle, d'une beauté et d'une bonté naturelles. Son rôle complète la vision d'un difficile accord entre vie d'artiste et vie de couple. Si leur relation est au départ assez détachée, Louise finit par ressentir un manque d'affection de la part de Paul. Ce n'est pas parce qu'il n'en a pas, mais toute son attention est détournée.
Puis il y a la rencontre de Yasmin. Elle qui se présente comme une sorte de "Dr Jekyll & Mr Hyde" est peut-être plus équilibrée qu'on ne pouvait attendre. Le rôle n'est pas franchement creusé. On retient finalement surtout le jugement de la mère de Paul (obsédé par le futur concubinage de son fils), qui la considère comme une femme très bien.
Cette maman pointe insupportablement le laissé-aller de Paul. Aussi légitime qu'il soit, son désarroi vire à la caricature. Certaines inquiétudes sont même intolérantes et sectaires. La maman semble donc parfois plus s’inquiéter de l'image de son fils que de son bien-être. Elle ne comprend pas la passion des choix de Paul.
Eden raconte la vie d'artiste que mène ce jeune homme. Toujours un emploi de passion, très rarement de confort. Peut-être bien que la présence des Daft Punk dans le récit oppose justement ces deux points de vie. Le film montre d'avantage le parcours commun de Paul (de fait, le visage l'est aussi). Le DJ n'envisage jamais vraiment de faire autre chose de sa vie professionnelle. Ce malgré les inévitables difficultés qu'il rencontre. Il y a énormément de mouvance autour de lui, au sein même de son univers musicale. La scène du nouvel an (pas très subtile certes) en dit long sur la dépravation de la musique électro. Constat assez vertigineux qui montre l’atterrissage de Paul, jusque là aveuglé par sa passion.
Pas d'impasse sur la question de la drogue. Pas de moralisation inutile, mais cela mériterait de défaire d'avantage les clichés.
Requiem pour la musique de "garage" et ses mixeurs, Eden montre les coulisses d'un univers déprécié. Les notes sont parfois trop appuyées, mais le mélange de grave et d’aiguë est assez mélodieux (attention métaphore hein). Une vibration oscillante.