Aller voir un Costa-Gavras est toujours un grand plaisir pour les cinéphiles que nous sommes. Depuis sa période "Yves Montand" jusqu'à nos jours, le cinéaste français né sur les terres grecques nous a offert quelques bijoux qui font partis de notre patrimoine cinématographique à juste titre. Surtout lorsqu'il s'attaque à des thèmes sérieux. Parce qu'il est à l'aise avec le film politique, et parce qu'il n'hésite pas à retrousser ses manches sur les sujets houleux, il s'attaque cette fois dans Eden à l'Ouest au problème délicat de l'immigration clandestine. Et comme à son habitude, c'est à travers le destin d'un seul homme qu'il esquissera sa pensée.
Cet homme, ce sera Riccardo Scamarcio, acteur italien récemment vu dans Mon frère est fils unique de Daniele Luchetti. Une gueule folle. Un regard pénétrant à faire tomber par terre quiconque le croise. Hommes ou femmes. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe ici, Eric Caravaca succombant le premier. Puis cela sera le tour d'une touriste allemande, suivie d'une fermière courageuse élevant seule ses deux enfants, jusqu'à Anny Duperey qui ne résistera pas à l'envie d'aider le beau ténébreux. Pourquoi une telle débauche d'énergie sur l'attirance qu'exerce le jeune homme bien malgré lui sur les personnes qu'il croise durant son périple ? Et bien on se le demande encore, car faisant fi du sujet qui motive Eden à l'Ouest, Costa-Gavras noie trop souvent le poisson qu'il comptait pêcher.
Le cinéaste instille une grande part de burlesque dans cette tragédie, et semble comme paralysé par l'ampleur de la tâche au point de s'inhiber lui-même en apportant une grande part de comédie à une histoire qui ne prête pourtant pas à rire. Bien au contraire, dans ses parties sombres, le film est prenant, tendu, et permet d'afficher son message humaniste avec vigueur.
Par moment trop démonstratif, souvent trop hésitant, Eden à l'Ouest est un film à deux temps qui tantôt accroche tantôt tourne à vide. Avec un sujet pareil et un réalisateur pourtant prompt à faire de son cinéma une dénonciation nécessaire, on aurait pu s'attendre à ressortir de la salle de cinéma bouleversé, déchaîné, circonspect. On ne sera que diverti. Dommage.
En bref : Un film sur l'immigration clandestine divertissant mais décevant que l'on aurait pu croire plus virulent au regard du sujet traité mais qui se noie dans un mélange étrange de comédie et de tragédie qui n'est pas la meilleure idée que Costa-Gavras ait eu jusqu'ici.