Rostand In Love

Je suis allée voir la pièce à Paris sur les conseils de mon frère qui avait vu ce film.

Et pour boucler la boucle, il me fallait donc voir le film.

J'avais adoré la pièce, tout bonnement adoré. En bonne fan de théâtre que je suis, la mise en abime, l'esprit, la culture et la finesse du propos mais aussi la drôlerie échevelée m'avaient conquise et j'ai retrouvé tout ce charme dans le film.

Rien ne vaudra jamais l'expérience du vrai théâtre en live (d'autant que certains raccourcis et situations sont très théâtraux ici, comme des coïncidences et des rencontres fortuites qui suintent le téléphone) mais c'est très bien fait et cela réjouit le cœur et l'âme de voir un cinéma français qui n'a pas peur de s'amuser sans pour autant basculer dans la beauferie ou le vulgaire. Et pourtant, cela peut parfois, ici, ne pas voler très haut !

Le scénario suit le poète et auteur Edmond Rostand, chouchou de Sarah Bernard (excellente Clémentine Célarié, pour une fois) mais qui enchaine les flops.

Il promet au grand acteur Constant Coquelin (parfait Olivier Gourmet), une grand pièce en vers dont il n'a pas la première ligne et dans le grand classique du genre, se lance à l'aveugle dans son histoire.

Au gré de ses rencontres et de ses coups de cœur, de son environnement et des desiderata de son casting exigeant, Edmond va écrire son chef d'œuvre.

Tout est fait pour que la pièce soit un four, une littérale catastrophe et pourtant, la pièce et la troupe seront touchés par la grâce.

C'est certainement tout faux et pas vrai et je m'en fiche.

C'est bien écrit et c'est bien joué.

Quand on aime le théâtre, ce film réjouit car il aime le théâtre, ses auteurs et ses acteurs. Même s'ils sont égocentriques, odieux, boursouflés de leur propre importance parfois, que l'argent vient de gars pas très artistiques (ou très nets), il y a au centre de ce film un amour du théâtre français et de sa langue qui me réchauffe à l'intérieur. Au bout du compte, c'est le théâtre qui compte, l'expérience du théâtre, l'instant sur scène.

Chaque scène à partir d'un certain moment est une scène de Cyrano qui s'ignore et se découvre. Cela fait penser à "Shakespeare In Love" mais en bien fait et en bien tout court. (Ma détestation de ce film est parfaitement documentée sur ce site, je vous invite à en lire ma critique, juste à titre de comparaison).

Ce film est un bonheur et un plaisir à suivre, c'est drôle et émouvant. Cela parle de la création, de l'immortalité et de l'éphémère de la représentation.

C'est un beau film qui fait rire tout simplement.

Le casting est impeccable. Leur abattage est très théâtral mais c'est un peu le but.

Et puis Cyrano, c'est tout de même du grand théâtre. Peut-être pas de la grande littérature parce que les vers sont découpés et redistribués (je vous renvoie à Hernani et sa controverse) mais c'est du Théâtre avec un grand T. Avec du panache, du cœur et des tripes.

Et ce film a du panache, du cœur et des tripes!