The Last Faith
L’un des défis posés au cinéphile consiste à lui soumettre des films où il ne se passe rien. Une sortie de route par rapport aux canons de la narration, une épreuve qui l’inviterait à prendre en...
le 25 janv. 2025
5 j'aime
L’un des défis posés au cinéphile consiste à lui soumettre des films où il ne se passe rien. Une sortie de route par rapport aux canons de la narration, une épreuve qui l’inviterait à prendre en compte d’autres angles, renouveler ses attentes, décaler son regard.
La Quinzaine des Cinéastes 2025 a été généreuse avec ce type de propositions, où un collectif s’est particulièrement distingué : Omnes Films, représentant d’un cinéma américain farouchement indépendant. Noël à Miller's Point présentait ainsi la nuit de Noël dans une maison sur le point d’être vendue, sans autre événement ceux inhérents à une réunion de famille comme tant d’autres. Son chef opérateur, Carson Lund, présentait en parallèle son propre premier film en tant que réalisateur, Eephus, similaire sur bien des points, puisqu’on y traite d’un dernier match de baseball sur un terrain voué à disparaitre.
Eephus désigne un lancer particulier au baseball, qui va déconcerter l’adversaire par son anormale lenteur : une véritable profession de foi de la part du réalisateur, qui va dilater cette ultime partie sans réel enjeux, si ce n’est le panache à tenir jusqu’au terme.
L’ennui pourra donc s’inviter dans ce récit distendu, qui consiste surtout en une galerie de portraits d’une Amérique peut aguerrie à occuper le premier plan. Des hommes décatis pour qui le sport relève du rituel, comme le sera celui de la nourriture régulièrement évoquée. Risibles, taquins, investis, dans une assez touchante comédie humaine. La banalité d’un dimanche comme les autres, en somme, à la différence près qu’un voile croissant de nostalgie s’étend sur les protagonistes.
Lund présente le terrain comme un point de convergence et creuse l’espace de manière à substituer aux enjeux narratifs une scène aux accès mobiles. Depuis le point d’observation où un vieil homme, sorte de chef de chœur d’une tragédie modeste, compte les points et commente pour lui seul l’action, mais aussi des bancs désertiques ou de la forêt voisine, le terrain prend une dimension nouvelle : il n’est pas le terrain de l’événement sportif, mais le lieu d’un fragile vivre ensemble. Associé à la temporalité de la journée déclinante avant l’arrivée de la nuit, le récit se déplace dans une inéluctable ligne de force qui serait celle de l’effacement.
Eclairé par les phares des voitures des joueurs, le terrain n’est plus qu’une abstraction, et le lancer lui-même perd son sens lorsqu’une balle lancée vers le ciel noir ne revient jamais. Mais qu’importe : la persistance des joueurs trouve dans celle du cinéaste un écho touchant dans cette perpétuation de la mémoire (les citations des joueurs de baseball), d’une tradition et de l’existence même d’un groupe, réactualisant la parole du poète : Non non, c’est bien plus beau, lorsque c’est inutile.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Fuite du temps, Sport, Les films avec la plus belle fin et Vu en 2024
Créée
le 25 janv. 2025
Critique lue 52 fois
5 j'aime
D'autres avis sur Eephus, le dernier tour de piste
L’un des défis posés au cinéphile consiste à lui soumettre des films où il ne se passe rien. Une sortie de route par rapport aux canons de la narration, une épreuve qui l’inviterait à prendre en...
le 25 janv. 2025
5 j'aime
Dans la scène qui succède au générique, on voit les joueurs arriver sur le parking du terrain et se saluer avec une évidente familiarité. On les imagine volontiers ne se fréquentant qu’au moment de...
Par
le 10 févr. 2025
1 j'aime
C'est une belle découverte que celle de ce film indépendant, US, simple chronique d'un dernier match de base ball dans un stade sur le point de fermer, le terrain étant destiné par la municipalité à...
le 8 janv. 2025
1 j'aime
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
775 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
720 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
624 j'aime
53