El Argar, une civilisation oubliée
Fiche technique
Pays d'origine :
Espagne, Royaume-Uni, FranceDurée : 26 minDate de sortie (Espagne, Royaume-Uni, France) : 2016Date de sortie (France) : 2016Réalisateurs :
Thibaud Marchand, Agnès MoliaSynopsis : On connaît les Grecs, les Romains, les Celtes. Ces civilisations brillantes et prospères qui ont marqué l’Histoire de l’Europe et du bassin méditerranéen. Mais il en est une autre qui est totalement sortie de notre mémoire collective. Les archéologues l’appellent El Argar… Elle a régné sur tout le sud de l’Espagne entre 2200 et 1550 avant notre ère. Puis cette civilisation a disparu, brutalement. Elle est complètement tombée dans l’oubli pendant des milliers d’années. Mais des archéologues espagnols ont retrouvé sa piste à quelques kilomètres de la ville de Murcie. Ils viennent de mettre au jour un édifice remarquable : un palais. Ce serait la plus ancienne résidence politique d’Europe. Cette découverte nous permet de faire connaissance avec cette étrange civilisation... Des archéologues ont mené une vaste étude sur une tombe de l'âge du bronze mise au jour en Espagne et contenant un homme et une femme. Ils y ont trouvé de nombreux objets précieux suggérant que la défunte avait un rôle important au sein de sa société, El Argar. Une tombe vieille de 4.000 ans qui bouscule les connaissances. C'est ce que des scientifiques ont découvert dans le sud-est de la péninsule ibérique. La sépulture est apparue en 2014 à La Almoloya, un site archéologique de la province de Murcia associé à une culture de l'âge du bronze appelée El Argar Cette société qui s'est développée entre la fin du IIIe et le IIe millénaire av. J.‑C, est connue depuis le XIXe siècle. Il y a quelques années, des chercheurs ont toutefois entamé de nouvelles fouilles pour tenter d'en apprendre davantage sur El Argar et le site de La Almoloya. Les recherches ont permis de révéler les vestiges de plusieurs bâtiments dont un palais mais aussi de nombreuses tombes. L'ensemble a suggéré que l'endroit était autrefois densément peuplé et constituait un centre politique et économique important de cette civilisation. Aujourd'hui, une étude apporte un nouvel éclairage. Publiés dans la revue Antiquity, ces travaux ont porté sur la fameuse sépulture exhumée il y a six ans sur le site espagnol. Datée d'environ 1700 avant J.-C, elle laisse penser que certaines femmes d'El Argar occupaient une place sociale élevée et jouaient un rôle bien plus important qu'estimé au sein de cette société complexe. Une tombe remplie de précieux objets La tombe en question (appelée "tombe 38") a été découverte sous le sol de l'une des salles du palais contenant des bancs. Elle recelait les ossements d'un homme et d'une femme placés l'un sur l'autre dans une grande jarre en céramique. A leurs côtés, est apparu un vaste ensemble d'une trentaine d'artéfacts très variés dont certains très précieux. Outre les récipients en céramique et d'autres objets du quotidien, les archéologues ont en effet mis en évidence plusieurs bijoux en argent. Des bracelets, des boucles d'oreilles ou encore des colliers dont la plupart ont semblé appartenir à la défunte. Le plus important s'est révélé être un diadème en argent placé sur la tête de la femme. Des analyses comparatives ont montré que l'artéfact était similaire à quatre autres trouvés au XIXe siècle dans des tombes de femmes sur le site d'El Argar, localisé dans la province d'Almería et qui a donné son nom à la culture associée. Des observations qui laissent penser que ces pièces n'étaient pas portées par n'importe qui. "La singularité de ces diadèmes est extraordinaire", a expliqué dans un communiqué Cristina Rihuete-Herrada de l'Universitat Autònoma de Barcelona et co-auteure de l'étude. "Il s'agissait d'objets symboliques fabriqués pour ces femmes, les transformant en sujets emblématiques de la classe dirigeante dominante", a-t-elle ajouté. Epouse de souverain ou souveraine ? Selon l'étude, la masse totale d'argent trouvée dans la tombe 38 équivaut à environ 230 grammes. En considérant le cours du matériau à Babylone au XVIIIe siècle avant J.-C, les chercheurs ont déterminé que cette quantité représentait quelque 938 jours de salaire de l'époque ou la valeur de plus de 3.000 kilogrammes d'orge. Autant d'éléments qui assurent que la femme inhumée dans cette jarre occupait une place importante. Difficile cependant de trancher quant à son statut réel. La défunte était-elle l'épouse d'un souverain ou était-elle souveraine elle-même ? Les archéologues tendent à pencher vers la seconde possibilité. "Dans la société argarique, les femmes des classes dominantes étaient enterrées avec des diadèmes tandis que les hommes l'étaient avec une épée et une dague. Les biens funéraires de ces hommes étaient en moindre quantité et de moindre qualité", écrivent les auteurs dans leur rapport. Dans la tombe 38, le défunt porte effectivement quelques bijoux et une dague repose à ses côtés. Mais l'ensemble est bien moins riche que celui attribué à sa compagne. "Les épées représentent l'instrument le plus efficace pour renforcer les décisions politiques", poursuivent les archéologues. "Les hommes dominants d'El Argar jouaient peut-être un rôle exécutif, même si la légitimation idéologique, de même que le gouvernement, reposaient entre les mains de certaines femmes", supposent-ils. L'emplacement de la tombe, sous cette salle du palais, tend également à confirmer une place importante dans la vie politique. Deux individus non apparentés Les analyses et observations menées sur les ossements ont indiqué que l'homme était âgé de 35 à 40 ans et la femme de 25 à 30 ans. Les causes de leur mort demeurent floues. La défunte présente plusieurs malformations congénitales ainsi que des lésions suggérant qu'elle pourrait avoir souffert d'une infection pulmonaire. Le défunt lui, montre plusieurs indices attestant qu'il s'agirait d'un guerrier : l'usure de ses os semble indiquer une activité physique intense, probablement à cheval, et son crâne affiche des cicatrices profondes. Les résultats ont par ailleurs révélé que les deux individus n'étaient pas apparentés mais ont eu une fille dont les ossements ont été exhumés non loin. Les observations réalisées sur la tombe 38 tendent à appuyer de précédents résultats sur la place des femmes à El Argar. Une étude publiée en 2020 a conclu que les femmes étaient probablement impliquées dans la production de textile et la vannerie, un secteur important de l'économie locale. "Les femmes avaient un rôle actif dans l'économie d'El Argar.. une souveraine n'est qu'un autre exemple de l'importance des femmes dans cette société", a jugé pour le National Geographic, Marina Lozano, archéologue et historienne du Catalan Institute of Human Paleoecology and Social Evolution non impliquée dans la nouvelle étude. Un rôle à préciser Les recherches demeurent cependant à poursuivre pour confirmer et préciser la place des femmes dans cette culture vieille de 4.000 ans. "Nous ne savons pas exactement quel était leur pouvoir politique", a concédé Roberto Risch, archéologue de l'Universitat Autònoma de Barcelona et co-auteur du rapport. "Mais cette tombe de La Amoloya questionne le rôle des femmes dans la politique à l'âge du bronze... Cela questionne aussi de nombreuses croyances populaires", a-t-il ajouté. D'après les historiens, la société El Argar aurait disparu autour de 1500 avant J.-C, pour des raisons qui demeurent floues. "La Almoloya et la tombe princière n°38 font partie de ces découvertes archéologiques exceptionnelles qui, de temps en temps, livrent un aperçu sur les sujets et les objets emblématiques des premières sociétés d'états ayant émergé en Europe durant l'âge du bronze", a conclu Vicente Lull, l'un des coordinateurs de l'étude.