Trois scènes jalonnent ce film comme autant de grilles de lecture.
La première est un plan séquence de trois minutes qui ouvre le film. Aussi simple qu'efficace.
Le décor est un bord de mer. Un homme achève de passer un coup de fil. On le comprendra bientôt, il s'agit d'un politicien véreux répondant au nom de Manuel Lopez Vidal. Visiblement contrarié, l'homme range son téléphone et pénètre d'un pas déterminé dans le restaurant qu'il avait quitté quelques instants plus tôt. Non pas par la porte d'entrée mais, tout un symbole, par l'arrière-cuisine. Cuisines qu'il traverse comme s'il était chez lui jusqu'à rejoindre la salle à manger où l'attend une tablée d'"amis". Lopez Vidal est ainsi présenté comme un homme qui marche. Qui marche pour rester vivant. Car trahi par les siens, poursuivi par la justice pour une affaire dont il n'est pas le seul responsable, il n'aura bientôt pas d'autres solutions que de recourir à d'hypothétiques soutiens. L'essentiel du film va dès lors se focaliser sur la fuite en avant du politicien, rythmée par la partition magnétique d'Olivier Arson.
La deuxième scène intervient à mi-film. Lopez Vidal entreprend de récupérer des documents compromettants dans la villa d'un de ses adversaires. Lorsqu'il se présente sur les lieux, la fille de son concurrent y a organisé une soirée festive. Qu'à cela ne tienne, le politicard rompu à toutes les audaces tente le coup de bluff : c'est son père qui l'envoie, lui annonce-t-il, elle doit le laisser récupérer des affaires. Sauf que la rencontre entre les fêtards alcoolisés et ce quinqua inopportun vire bientôt au vinaigre... Une scène scotchante qui doit autant au jeu tout en tension de De la Torre, qu'au plan séquence de 10 minutes qui colle littéralement au personnage.
La dernière scène ratiboise le cliché du happy end sentimental. Parmi les rares soutiens sur lesquels Lopez Vidal peut en effet compter, il y a la belle Amaia, présentatrice du journal du soir. Talentueuse mais toujours en attente du scoop de sa vie, elle pourrait faire le jeu du politicien aux abois dans un deal gagnant/gagnante. On comprend à demi mots qu'entre le politique ambitieux et la journaliste, il y a plus que de l'admiration professionnelle. On n'en saura pas davantage. Toujours est-il que leur ultime rencontre, qui clôt ce superbe film, les réunit dans un face-à-face télévisé froid et distant à l'opposé de leur précédente rencontre dans l'intimité d'une chambre d'hôtel. Elle, optant pour une volte-face tout en opportunisme. Lui, sidéré d'une attitude si déloyale qui le renvoie, en miroir, à ses propres turpitudes.
Un film d'une grande maitrise.
8.5/10