El Renacer del Carare
Fiche technique
Synopsis : Il s’agit de l’histoire d’un pays : qui l’écrit, comment et à quelles fins. Ce pays, c’est la Colombie. Son histoire se résume depuis des décennies au désastreux conflit qui oppose les guérillas de gauche à l’Armée Nationale et ses affidés paramilitaires. Dans les années 80, les habitants du petit territoire de Carare se sont organisés pour libérer leur communauté de l’engrenage guerrier et se donner les moyens d’une paix durable. De cette expérimentation politique et sociale, brutalement interrompue par la violence d’Etat, l’histoire n’a pas été écrite. Ce tort, Andrés Jurado le répare de la plus belle des manières : en ressuscitant la parole des acteurs oubliés, en écrivant leur histoire avec leurs propres mots, leurs propres images. Car le titre du film est d’abord celui d’un projet de diaporama conçu en 1987 par l’Association des Travailleurs pour raconter la « renaissance du Carare ». Du diaporama, perdu ou jamais achevé, ne subsistent que les dix-neuf pages du scénario. Trente ans après, El renacer del Carare le réalise en convertissant le diaporama en film. Le scénario se divise en trois colonnes : IMAGEN, TEXTO, MUSICA. Un tremblement, celui du temps et de la résistance à l’oubli, anime les photographies d’époque. Une voix, dont la chaude proximité contredit l »éloignement spectral de l’image, semble adresser le texte, par-delà les spectateurs d’aujourd’hui, à ses destinataires oubliés. La colonne musique est restée vide ? Des chants de résistance ponctuent le déroulé du scénario. Le noir sur lequel s’impriment les paroles ouvre au cœur du film la béance d’un lamento. Mais c’est aussi en avant qu’est projetée la mémoire des paysans du Carare. Leurs fantômes tremblent sur l’écran, mais le scénario qu’ils ont laissé est aussi l’esquisse de réalisations à venir, d’une liberté à organiser. Contre le fait accompli du pouvoir, c’est la puissante faiblesse du cinéma, et la nécessité sans prix d’un tel film. (Cyril Neyrat)