Electric Dreams par francoisfeldman
Les années 70, ok, c’était le disco. Mais pas que. En col pelle-à-tarte ou pas, le cinéma fait la part belle aux extra-terrestres : The man who fell on Earth, Solaris, les remakes du Blob et des Body Snatchers, Star Trek sur grand écran, mais aussi Superman ou encore Rencontre du Troisième Type et surtout Alien. Chez nous aussi, avec Planète Sauvage ou dans un autre registre Le gendarme et les extra-terrestres... Puis, les années 80 arrivent avec leur lot de progrès technologiques (le wakman, la caméra video personnelle, le Minitel….) et avec elles, les robots. Si BattleStar Galactica amorçera la transition dès 78, en remplaçant les aliens, traditionnels méchants de l'espace, par des machines, les Cylons, c'est à Ridley Scott qu'on doit le passage de témoin le plus franc : ainsi, après avoir introduit un androïde dans l'équipage d'Alien, ce sont les Replicants de Blade Runner qui explosent à l'écran en 1982.
Puis, l'hiver 84 voit débarquer le choc T800. Ceux qui fréquentaient les vidéoclubs se souviendront sans doute de Johnny 5, héros à chenilles de Short Circuit sorti 2 ans plus tard (les mecs qui ont designé Wall-E aussi). En 87, troisième « instant classic » avec des robots de la décennie : Robocop.
Bien sur, les robots au cinéma, c'est pas nouveau, du Metropolis de F. Lang à Westworld en passant par Forbidden Planet ou même Le Magicien d'Oz et son Tin Man. Mais les robots des années 80 cherchent quelque chose de plus, quelque chose de nouveau : une part d'humanité.
Eté 84, quelques mois avant Terminator et sa révolte des machines, un film se fait à la fois synthèse et oracle de cette tendance : le génial Electric Dreams, de Steve Barron.
Une comédie romantique construite sur le schéma du triangle amoureux, impliquant un homme, une femme... et un ordinateur. Machine qui, suite à un accident impliquant du champagne, se verra douée de sentiments, tombera amoureuse, puis sombrera dans la jalousie. (Il est d'ailleurs amusant de noter combien [champagne = sentiments, amour] est déjà un algorithme profondément humain. L'œuf, la poule, toussa.)
Bien sur, on pourrait s'étendre longuement sur ô combien le film était prophétique dans sa représentation du réseau des réseaux, de la domotique, de la place que prendra le "personal computer" dans nos vie... Sur l'avenir de la musique, aussi. Electronique, échantillonnée, composée sans instrument aucun (avec ici Giorgio Moroder aux manettes)... Et sur son propre avenir, hélas, un peu : l'ordinateur amoureux finira par imploser pour devenir immatériel, propageant sur les réseaux l'amour, via sa chanson Together in Electric Dreams tout comme le film aura été éclipsé par le succès de sa bande-originale, le même Together in Electric Dreams, de Moroder et Phil Oackley.
Mais le vrai gros coup de génie d’Electric Dreams, c'est d'avoir donné des sentiments à ordinateur de bureau, façon clavier et écran. Pas à un androïde. Si Deckard, le Blade Runner, peut ignorer que Rachel est un replicant, si John Connor en vient parfois à oublier –ne serait-ce qu’un instant– que le T800 n’est qu’une machine, c’est grâce / à cause de leur forme humaine. Retrouvant son identité, Murphy/Robocop retrouve aussi son visage, dans la dernière partie du film… L’apparence d’un androïde, son design, provoque l’empathie ; et pour le peu que celui-ci soit doté d’une I.A. suffisante, peut induire une forme de mimétisme, d’identification chez la machine, qui « joue à l’humain » (ce qui constitue d’ailleurs un ressort comique plutôt classique). Avec cette histoire d’amour entre un ordinateur de bureau « tout con » et une jolie humaine, le film à la fois peut poser vraiment la question de la possibilité des sentiments des machines (je veux dire, les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? !), tout en s’éloignant du phénomène « Pinocchio », qui fait que le robot voudrait devenir « un vrai petit garçon », un humain. De la réciprocité de ces sentiments, aussi. Bien que brève, la scène de la dispute quasi-conjugale entre Miles, l’humain, et son p .c. entame la réflexion… Sujet abyssal, qui travaillait alors déjà les japonais depuis un petit moment (Astro le Petit Robot, de Tezuka, est né dans les années 50), et continue de nous faire réfléchir, alors qu’un remake de Robocop vient d’envahir les salles, que la saison 2 de la série Real Humans, diffusée chez nous sur Arte, est en cours de diffusion en Suède, et que la saga Terminator qui va fêter ses 30 ans n’est toujours pas achevée…