En avant
6.8
En avant

Long-métrage d'animation de Dan Scanlon (2020)

Si Disney a plus que jamais la fâcheuse tendance à vouloir marchander notre nostalgie avec ses remakes de classiques, la branche Pixar continue elle à nous offrir des films débordant de bienveillance et de sincérité. Ceci même au sein de projets pensés en premier lieu à offrir une rentabilité assurée, Toy Story 4 en est un bel exemple. Et une conséquence positive de cet appât du gain est d'avoir suffisamment d'économies de côté pour proposer à l'occasion des histoires plus "risquées" commercialement. Des récits moins destinés au plus jeune public, ou qui donnent l'impression de l'être en premier lieu pour mieux les surprendre par la suite, n'hésitant pas à les confronter au besoin de grandir et d'affronter certains dilemmes qui feront d'eux les personnes qu'ils seront demain.


C'est exactement ce qu'avait fait Coco. Derrière sa palette de couleurs démentielle, ses musiques entraînantes et son conflit basique d'une génération réfractaire face au gamin rêveur, on retrouvait un hommage des plus émouvants à la famille et à nos aïeux, insistant sur l'importance du souvenir. Et En Avant fonctionne à peu près de la même façon.


Onward n'était pas le Pixar qui donnait le plus envie. Certes tout ce qui passait après Coco et qui ne faisait pas partie d'une saga connue allait forcément pâtir de la comparaison, surtout côté graphique. Et le futur Soul semblait déjà s'annoncer comme le nouveau Vice-Versa en terme de profondeur et de commentaire sur l'être humain. A côté, l'association d'un univers d'héroïc-fantasy avec notre monde moderne et le dessin moins travaillé de nos héros elfiques se rapprochaient plus d'une bonne production Dreamworks que d'un Pixar majeur. Et la crise sanitaire frappant notre quotidien eut tôt fait de reléguer définitivement ce projet au second plan.


Je ne vais pas le nier : il s'agit en effet d'un Pixar mineur en comparaison de ses projets plus cossus, sur la forme comme le fond (surtout la forme). Et ses défauts pourraient conforter les spectateurs dubitatifs d'entrée de jeu. Mais outre le fait qu'il s'inscrit dans la continuité des longs-métrages susnommés via ses thèmes abordés, le cœur de Luxo Jr bat vraiment dans ce film. Et un film profondément honnête à la démarche bien pensée parviendra toujours à passer l'éponge sur ses lacunes. D'autant que derrière les clichés et lieux communs qu'on serait en droit de rejeter dans son canevas de base comme dans son déroulement, Onward propose quelques variations bienvenues et sait utiliser son cadre mixte autrement que pour la blague et le commentaire évident sur notre monde moderne.


Alors oui, on retrouve l'adolescent névrosé qui cherche à s'affirmer et le geek trop éloigné de la réalité et plongé dans son délire, chacun ayant droit à l'une ou l'autre scène typique du traitement habituel de ces personnages d'ailleurs. Mais là où trop d'histoires rassemblent ces deux clichés en un seul bonhomme sans chercher à le creuser davantage, En Avant en fait deux frères, avec le plus âgé Barley complètement gaga des mythes d'antan (au lieu d'être le plus branché) et le plus jeune Ian quelque peu blasé par cela et pas si « outcast » qu'il veuille le croire. On a donc un petit retournement des codes, en plus de baliser le terrain pour mieux ressortir ces caractéristiques au moment opportun. Le héros qu'on pouvait facilement rendre tout lisse est lui-même blindé d'idées reçues, et celles-ci combinées à ses doutes permettent de crédibiliser non seulement son personnage mais aussi les futurs conflits entre les deux frangins, quand d'autres films en feraient un passage obligé juste pour gonfler artificiellement un récit qui n'en avait pas besoin. De quoi bien mettre l'accent sur l'importance de la communication, ce qui ne sera jamais superflu, surtout par les temps qui courent.


De manière générale, exception faite de la menace finale qui offre un climax étonnamment épique, Ian est son propre ennemi dans le film, ce qui sert justement un de ses propos. Certes, le fameux message de confiance en soi est rabâché et surligné. Je regrette aussi que son évolution soit assez accélérée (mais allez proposer un film d'animation dépassant les 2h) et que face aux obstacles proposés, il y aura toujours un sort adapté à la situation, d'où une certaine absence d'enjeux forts en terme d'aventure. Mais outre le fait que cette histoire n'est pas une quête de survie et garde de bout en bout une échelle intimiste (très peu de vrais personnages secondaires et un ultime antagoniste restant concentré sur nos héros), c'est là que le mélange fantasy/moderne prend son sens puisqu'il permet d'illustrer plus frontalement le processus par lequel Ian doit passer pour prendre confiance.


Déjà l'utilisation de la magie donne plus d'impact à l'évolution de notre héros en comparaison de tâches plus quotidiennes comme les défis qu'il se donnait sur sa check list. Mais surtout, Ian a trop assimilé l'évolution de son monde au point d'en oublier son feu intérieur et de se laisser déborder par les enjeux du quotidien. Il doit ainsi apprendre à se connaître et découvrir ce qu'il a refoulé malgré lui. Apprendre à lâcher prise, recentrer son attention sur les choses qui le font avancer, etc. Une lutte permanente pour beaucoup d'entre nous, moi compris, et qui aura souvent besoin d'être rappelée. Au point que ce retour aux sources touche aussi les personnages secondaires de la Manticore et Colt Bronco, voire même le gang de fées, prouvant qu'on peut offrir un arc narratif à des antagonistes de passage qu'on envisageait à la base comme une simple péripétie comique.


Enfin dans la lignée de Coco, on évoque à nouveau le souvenir et l'héritage familial, la quête des deux Lightfoot étant en premier lieu de pouvoir retrouver leur père ne serait-ce qu'une journée. Là encore, schéma classique mais avec quelques twists bienvenus. L'apparence du père est assez inattendue durant une bonne partie du récit, elle donnera lieu à beaucoup de bons gags (certains peut-être plus superflus) mais saura aussi offrir des scènes plus touchantes, démontrant le talent d'une équipe qui n'avait pas la tâche facile de transmettre des émotions avec cette forme. Ensuite, que l'insouciance de Barley soit surtout une façade se capte assez vite mais la révélation de mi-film (probablement la scène la plus larmoyante) parlera à un paquet de gens et rend le message final encore plus réussi en dépit de son évidence.


Au point que comme pour Ian, il nous a échappé la majeure partie du temps mais restait présent inconsciemment. A ce sujet je salue la résolution d'une maturité étonnante qui, même si elle débouche sur le happy end de rigueur, ne nous offre pas exactement ce qu'on attendait (tel Ian et sa liste de choses à accomplir) tout en concluant le parcours initiatique de Ian et Barley comme il se devait.


Onward est donc d'une pertinence redoutable et le tout est adressé avec sincérité et bienveillance, envers ses personnages tout comme son univers. Comme pour Zootopie (un des plus « Pixar » que Disney ait conçu par lui-même), celui-ci n'est pas dépeint que pour un rire facile, quand bien même il offre quelques saillies hilarantes, entre comment se forme l'ultime menace et surtout la Manticore, ancien héros de fantasy qui a fini par vendre son épée légendaire pour échapper à un redressement fiscal. Ce personnage de manière générale est un délice à suivre tend il est survitaminé et absorbé par la quête de nos héros, sans compter le doublage irrésistible de Maïk Darah en VF, jamais meilleure que dans ce type de rôle. Tous nos personnages majeurs sont attachants à vrai dire mais cela va sans dire dans une production Disney de qualité et sont eux aussi très bien interprétés.


(Et bordel je jure que Donald Reignoux a un contrat qui exige qu'il apparaisse dans chaque Disney même pour un cameo, c'est juste pas possible).


Alors oui la mise en scène, l'esthétique et la direction artistique sont assez passe-partout et il n'apparaît pas au premier abord comme le plus engageant des Pixar, d'autant que certaines orientations en freineront quelques uns. On abandonne notamment assez vite le commentaire frontal sur le monde moderne faisant oublier la magie par exemple alors que c'était le propos principal de l'introduction. Je vous mentirais en disant que c'est un que je me repasserais chaque année tel un Toy Story. Mais à défaut d'être un Pixar majeur, c'est un Pixar important, surtout par les temps qui courent. En cette période anxiogène où il est encore plus facile de céder à l'angoisse et se renfermer dans un contexte ultra-rationnel, qu'un film comme Onward nous propose une aventure entraînante tout en nous rappelant de garder l'essentiel en tête et de cultiver notre feu intérieur, c'est essentiel.


Alors, en avant !

Masta21
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le 15 juil. 2020

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