Salle pleine à craquer, j’arrive en retard et me retrouve sur un vieux strapontin grinçant à moitié cassé. Un vieux, juste à côté de moi, assis dans un beau fauteuil confortable n’arrête pas de renifler et de cracher ses tripes sans son masque. Une famille nombreuse, encore plus en retard, se plaint très bruyamment et sans la moindre gêne qu’il n’y a plus de place. Bref, je ne sais pas où je suis tombé mais les conditions d’appréciations d’un film ne sont pas optimales. Pourtant, comme vous avez pu le voir avec ma note, je suis ressorti de cette salle obscure complètement émerveillé.
Tout d’abord, alors qu’un couple décide enfin à se taire, En Corps nous fait regarder de la danse. Sans dialogue durant près de quinze minutes, toute l’attention du spectateur est tournée vers les gestes, les mouvements, les déplacements et les expressions, toute l’attention est tourné vers le langage du corps. Grâce à l’esthétisme de ces scènes, la musique, le décor, le spectacle et la qualité de la danse, Klapisch a réussi à taire, sans passer par le verbe, une salle insupportablement bruyante. Et, je peux vous l’assurer, c’était pas gagné d’avance.
Souvent, on associe le monde de la danse à quelque chose de noir et de douloureux, comme avec Black Swan de Darren Aronofsky. Mais En Corps ne voit pas les choses de la même manière. Même si il y a une part de vérité dans l’idée de souffrance (comme pour n’importe quel sportif), la notion de plaisir, dans ce film, passe avant tout le reste. L’idée de passion est plus retenue que l’idée de sacerdoce : « on ne peut pas être danceur sans être tourné vers la vie » nous dit même Marion Barbeau, (la danseuse étoilée, ici actrice). On pourrait alors dire bêtement que c’est un film sur la vie, un film sur le profond plaisir de celui qui danse et qui a cette idée de s’élever, de se dépasser. Et derrière tout cela, il y nous, qui avons le profond plaisir d’admirer le spectacle.
La réussite du film tient à l’alternance entre logique musicale (représentant 1/3 du film) et logique narrative. L’équilibre est trouvé entre les scènes de danse et de jeu. Klapisch développe ici un film bien mené, sans trop de danse ni pas assez, laissant toute la place nécessaire au développement des personnages et à l’humour bien trouvé de Pio Marmaï, de François Civil et de Nicolas Podalydès (malgré lui) qui ont provoqué les rires gras de tous les spectateurs, même le mien !
Le vieux à côté de moi, toujours bien assis alors que je commençais à avoir mal, pendant le générique, a trouvé une phrase parfaite pour clore cette critique : « Ceux qui dansaient étaient considérés comme des fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique ». Ça représente si bien le film que je me devais, malgré tout, de lui faire honneur.
(9/10)