ENTRE DEUX TRAINS (Pierre Filmon, FRA, 2019, 74min) :
Après quatre courts-métrages (dont l’émouvant Papa est mort en 2013), suivi par un passionnant documentaire sur l’immense chef opérateur Vilmos Zsigmond avec Close encounters with Vilmos Zsigmond sorti en 2015 (visible actuellement en replay sur la chaîne TCM Cinéma), le cinéaste invite pour son premier long métrage de fiction le spectateur à suivre le destin de Marion et Grégoire, deux anciens amants qui se retrouvent par hasard entre deux trains, neuf ans après leur relation. Lui, violoniste professionnel, revient d’Orléans, elle, en visite chez une amie doit repartir dans 60 minutes par son prochain train.
Une émouvante dédicace à Vilmos Zsigmond ouvre le film, qui débute sur de bons rails par un magnifique plan séquence embelli par l’image en format Scope. Ce parti-pris esthétique et narratif sert judicieusement le chemin de traverse sentimental emprunté à l’envi par les deux protagonistes pour mieux les suivre dans leur promenade existentielle, de la gare d’Austerlitz, en passant par le Musée national d’Histoire naturelle, le zoo et la ménagerie de verre du Jardin des plantes au café Maure de la grande Mosquée de Paris.
Cette mise en scène en prise de son direct, apporte une authenticité aux errements de l’âme et du cœur. Chaque lieu de cette balade affective engendre une adéquation des divers atermoiements de nos deux héros ordinaires (dont chacun de nous se reconnaît un peu), interprétés ici par l’impeccable Pierre Rochefort et l’épatante Laëtitia Eïdo, dont leurs incarnations dévoilent une implication et une alchimie particulière, qui transparaît de manière authentique sur l’écran blanc de nos tourments. Ce touchant long métrage accompagné par une splendide partition musicale originale de David Hadjadj, soutenue aussi par des morceaux originaux de Grieg, Bartok, Schubert ou Beethoven, décline avec une écriture très précise la complexité des sentiments.
Grâce à un subtil suspense romantique cette œuvre romanesque étreint nos cœurs et nous interroge nous-même sur le choix qu’à leur place nous aurions fait, en nous laissant chavirés sur le quai…