69 Année Érotique

Erotissimo est le premier long métrage de Gérard Pires, un film qui sort en 1969 alors que la vague libertaire de 68 est encore dans tous les esprits. Foutraque, libre et bordélique ce premier film imparfait mais attachant s'attaque avec une joyeuse folie pop aux libertés illusoires et aux aliénation sociale.

Dans Erotissimo nous allons suivre le quotidien d'un couple avec d'un côté Philippe, un chef d'entreprise qui subit un contrôle fiscal qui lui accapare tout son temps et de l'autre Annie, sa femme qui délaissée et bombardé par un érotisme libéré et envahissant la société s'interroge sur son propre pouvoir de séduction et d'attraction...

Erotissimo est un film libertaire et souvent bordélique dont la mise en scène multiplie les expérimentations et les effets pop pour coller parfaitement à son sujet et son époque. Dopé par une bande son pop psychédélique signé William Sheller le film se retrouve parfois rythmé aux sons du quotidien ou à des bruitages de cartoon qui accompagnent le tempo du montage et de la dynamique de la scène. Le film est donc plutôt bien rythmé et s'offre une singularité tant dans le fond que dans la forme dans une délicieuse ambiance pop sixties. On trouve dans l'effervescence du film des parodies de publicités et une séquence digne d'un scopitone lorsque Annie Girardot chante La femme Faux Cils , une chanson écrite par Michel Polnareff . Effets de montages singuliers, bruitages, bande son qui passe à l'envers, Jean Yanne qui chante son texte, séquences burlesques ou surréalistes avec par exemple des policiers qui descendent des réverbères; Erotissimo est un film bouillonnant d'idées, même si certaines tombent un peu à plat.

Niveau casting le couple principal du film est interprété par Jean Yanne et Annie Girardot. Jean Yanne est excellent dans son rôle de petit patron cynique et détaché devant lutter contre le fisc et Annie Girardot est aussi craquante que drôle et pétillante en femme au foyer tentant de suivre les tendances dictées par la société et la publicité. On retrouve également le formidable Francis Blanche en agent du fisc nommé Butor qui prend visiblement un plaisir sadique et masochiste à éplucher les comptes d'entreprise. Autour de ce trio qui visiblement s'amuse d'autant plus que les dialogues signés Nicole de Buron et Gerard Pires sont assez drôle on retrouve une belle galerie de petits rôles de seconds plans avec Jacques Higelin, Serge Gainsbourg , Daniel Prevost, Jacques Ballutin, Jacques Martin ou Rufus,

Erotissimo est un film miroir de son époque entre pop psychédélique, libération des mœurs et révolte post 68. Ce qui est amusant et pertinent c'est la façon dont Gerard Pires montre le paradoxe d'une libération de l'érotisme dans la publicité, le cinéma et la presse qui finit par aliéner la femme dans un besoin d’authentification et d'adhésion au mouvement. Ce culte de l'érotisme, cette mercantilisation du corps de la femme à des fins publicitaire sera le moteur de la frustration et de la quête désespérée d'Annie Girardot à (re)séduire son mari sous le diktat de ses nouvelles tendances. Même si il le fait avec légèreté , Gerard Pires fustige déjà les ravages du modèle publicitaire et du culte de l'apparence sur les gens bien ordinaires.

Parfois un peu trop bordélique et foutraque au point de devenir lassant, Erotissimo reste une bonne comédie de mœurs et un film à la rafraîchissante liberté de ton.