Une virée en Enfer
Mais d'où débarque ce diable de Paul Urkijo Alijo pour réussir un premier film aussi esthétiquement bluffant ? On peut légitimement se le demander vu l'espèce de réussite assez incroyable que...
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Mais d'où débarque ce diable de Paul Urkijo Alijo pour réussir un premier film aussi esthétiquement bluffant ?
On peut légitimement se le demander vu l'espèce de réussite assez incroyable que représente "Errementari" de ce point de vue. Alors, bien sûr, le lyrisme indissociable d'un tel conte de fée noir appelait forcément un visuel fort mais faire mouche à ce point avec une photo si magnifique, un sens du cadre époustouflant ou encore cette folie imaginative et inventive qui imprègne à peu près chaque plan/tableau auquel on assiste tient soit du miracle, soit de la révélation d'un très grand réalisateur.
De Bava à Del Toro, Alijo pioche certes un peu partout dans un cinéma répondant aussi bien de l'horreur que du merveilleux pour construire sa propre vision mais il ne se contente jamais de décalquer son catalogue de références, non, il en tire une sorte d'essence, bien présente dans son inconscient, qu'il insuffle sur cette histoire lui offrant toutes les opportunités pour la réinventer. Et le résultat est simplement remarquable ! Entre l'ouverture brumeuse sur les atrocités oubliées de la Première Guerre carliste , la découverte du village et de ses habitants, la demeure du forgeron, l'aspect caricaturalement sublime d'un démon magnifié par le réalisme de notre monde, un flashback en ombres chinoises ou encore cet acte final complètement dément et propice à tous les délires visuels dont Alijo se saisit à pleines caméras, "Errementari" est un spectacle de tous les instants pour les yeux qui ne déçoit jamais et qui, mieux, ne cesse de surprendre !
Sur le fond, c'est un peu plus brouillon dans le sens où le film se retrouve trop souvent pris au piège de son format de fable. En effet, si l'on excepte une révélation sur la nature d'un personnage, "Errementari" n'est pas aussi imprévisible qu'il le voudrait : une fois le contexte installé, l'intrigue se révèle assez convenue dans sa globalité et ne crée que peu de surprises même s'il elle est agréable à suivre. Les marginaux de la société sont forcément amenés à devenir les héros, les secrets dissimulés sont attendus (pour le plus énorme d'entre eux, l'avant-propos sur l'Enfer du film n'était peut-être pas la chose la plus futée à faire), les représentants des différentes autorités sont tous des types à éviter, ... Et surtout, pendant la majeure partie de sa durée, l'émotion capitale qui aurait dû découler de la relation entre la petite fille et le forgeron en reste à l'état de balbutiements, il faudra vraiment attendre le dernier acte (on le répète, totalement fou !) pour qu'enfin le film prenne le tournant bien plus touchant qu'il lui manquait jusqu'alors. Entre-temps, Alijo aura bien tenté de jouer sur plusieurs registres, de l'horreur au burlesque (production Álex de la Iglesia oblige), pour créer une espèce de sentiment permanent d'inattendu mais le dosage, trop maladroit, ne parviendra pas à pallier ce problème que seul ce sens incroyable de l'esthétique pourra résoudre.
Nul doute que ces défauts d'écriture seront corrigés à l'avenir, ce n'est qu'un premier long-métrage après tout et, bon sang, on est presque prêt à les oublier devant une mise en scène aussi aboutie et en tout point sidérante! Alors que l'on pensait le cinéma fantastique ibérique en fin de cycle, voilà qu'un petit prodige vient nous démontrer à lui tout seul qu'il en a encore sous la pédale !
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le 21 oct. 2018
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