Si je mets 5 à "Escape from tomorrow", ce n'est pas parce que je juge que c'est un film moyen. Pour le coup, j'estime qu'on peut le placer à un point extrême comme à un autre mais pas au milieu.

Seulement, même après avoir "digéré" le visionnage - un temps que je m'accorde toujours pour juger un film - je reste dubitatif et je suis partagé : difficile de juger, en fait. Ce sera donc un 5.

J'ai visionné le film en gardant à l'esprit qu'il s'agissait d'un travail amateur, réalisé dans des conditions spécifiques et j'en ai tenu compte au moment d'écrire cette critique.

Vais-je dire que le manque de moyens se ressent ? Que tout ça fait un peu cheap ? Non. Il y a bien quelques incrustations sur fond vert assez médiocres mais on a vu des nanards faire infiniment pire en matière d'effets spéciaux foirés (et foireux). Et puis le réalisateur n'en abuse pas.

En terme technique, c'est du très beau travail : quand on connaît les conditions (deux petites caméras numériques et des iphone pour le son), on peut dire qu'il y a un réel savoir-faire technique derrière le film. Randy moore et son équipe ont su exploiter leur peu de moyen et le noir&blanc - initialement utilisé pour masquer les problèmes de luminosité - sur ces musiques orchestrales donne au film un certain cachet, une ambiance désuète presque mélancolique des plus réussies.

Les acteurs sont convaincants ce qu'il faut, les enfants surtout. On ne leur demande certes pas un jeu d'une grande profondeur mais là aussi, pas de fausse note (si on excepte éventuellement les deux françaises qui parlent avec un accent américain mais comme il n'y aura que les français pour s'en apercevoir...).

Bref, l'intention est là, les moyens bien exploités et le réalisateur n'est pas tombé dans le piège du cheap en ayant les yeux plus gros que le ventre. Qu'en est-il du résultat global ?

Le film a un très gros problème de rythme à mon sens. Soyons clairs, il ne s'y passe pas grand-chose. En soit, ça n'est pas nécessairement un problème, pas besoin de gros effets qui tachent pour instiller la peur ou le malaise. A ce titre, la virée dans l'attraction "small world" en tout début de film est une mise en bouche plutôt sympathique et on se dit que ça démarre fort pour les vingts premières minutes. Sauf qu'il ne se passera plus rien de notable pendant une demie-heure après ça. Bien sûr, on sent le personnage de Jim perdre pied et laisser peu à peu sa famille lui échapper mais il n'y a rien d'angoissant là-dedans, on assiste juste au déclin d'un type qui perd boulot et famille, sans qu'il y ait de réelle "interaction" avec le parc. En fait, les situations anxiogènes arrivent par sursaut et le rythme retombe presque immédiatement derrière, au lieu d'aller crescendo. Reste que voir la chute de Jim au milieu de ces sourires figés, de ces décors en carton-pâte et de ces musiques sirupeuses a en effet quelque chose de malsain, très diffus. C'est là que se situe le problème, on peine un peu à comprendre ce qu'a voulu faire Moore : un film d'horreur ou un film social ? On a beau dire qu'il ne faut pas mettre l'art dans des cases, reste qu'à un moment donnée, le spectateur a besoin d'un point de repère.

Bref entre les "hoquets" horrifiques qui réveillent quelque peu le spectateur et les longs plans destinés à montrer la frustration du personnage principal, on se demande si on ne s'ennuie pas un peu. A ce titre, d'ailleurs, je ne sais pas si c'est voulu, mais le personnage de Jim ne m'a inspiré ni compassion ni pitié et je trouve que rien n'a été fait pour les susciter. Peut-être le but était-il de sous-entendre que cela peut arriver à n'importe qui...et que Jim est ce n'importe qui.

Pourtant, on ne décroche pas, fasciné, guettant le moment où tout va dérailler.

Ce moment survient en fait presque en douceur, à quelques minutes de la fin.

Et cette fin est grinçante, elle révèle en définitive le propos du film, sur le cynisme du "bonheur" façon Disneyland. Si vous êtes allés à Disneyland étant enfant et y êtes revenu comme adulte, comme moi, le message sous-jacent saura sans doute vous atteindre : une sensation déplaisante d'arnaque, d'hypocrisie, presque sordide. Si c'était le but du film, alors il est clairement atteint.

Escape from tomorrow n'est pas mauvais, il est juste un peu trop vendu comme de l'horreur (en la matière, il y avait moyen de faire plus angoissant vu le potentiel anxiogène de Disneyworld/land). Autant dire que David Lynch - dont le film rappelle un peu le style par ailleurs - fait des films d'horreur. Donc, ne vous attendez ni à faire des bonds sur votre siège, ni à aller vous cacher sous votre couette en claquant des dents. Vous ressortirez du visionnage soit en vous étant clairement emmerdé (ce serait dommage) soit en gardant un petit arrière-gout amer au fond de la bouche concernant le "monde des rêves". Et si vous préférez continuer à vous émerveiller sur disneyland...abstenez-vous.
SubaruKondo
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le 17 janv. 2014

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