La Cellule 9 présentée ici même marqua les esprits, et la censure, comme étant la dernière collaboration de la paire déviante composée par le producteur suisse Erwin C. Dietrich et le cinéaste espagnol Jesús Franco. Une association excessive dont le fil conducteur pourrait de prime abord se résumer à sinon flatter les plus bas instincts voyeuristes du spectateur, tout du moins à offrir au public sa dose d'érotisme crapoteux quotidienne. Ce long métrage prénommé originellement Frauen für Zellenblock 9, et interprété par la pulpeuse Karine Gambier, l'innocente Susan Hemingway et l’inénarrable Howard Vernon ne déroge nullement a priori à la règle : des jeunes femmes nues, des tortionnaires sadiques, le tout dans une ambiance faussement malsaine et franchement fauché, what else ?


Trois révolutionnaires menées par Karine Levere (Karine Gambier) sont arrêtées à bord de leur camion traversant la jungle sud américaine. Capturées manu militari puis emmenées sans ménagement dans une prison isolée dans la forêt tropicale, les demoiselles, une fois arrivées, sont rapidement déshabillées, et enchaînées par le cou dans la cellule numérotée 9. A l'instar de ses camarades, Karine est torturée par l'expérimenté Dr Costa (Howard Vernon) sous l'oeil approbateur et carnassier de la directrice des lieux. Face à l'imagination perverse et aux techniques inhumaines déployées par ses tortionnaires, la belle cède à leurs avances sadiques, et dénonce ses compagnons de lutte. Bien décidée à les sauver, Karine doit s'évader à tout prix...


Après un fade Frauen im Liebeslager (Love Camp - Camp d'amour pour mercenaires) et une brève incartade vers la franchise Nazisploitation Isla, renommée pour l'occasion dans la langue de Goethe Greta, Haus ohne Männer (Isla, The Wicked Warden - Greta, la tortionnaire de Wrede), Jesús Franco conclut sa période carcérale comme il l'avait commencée, en réadaptant plus ou moins le même scénario, prétexte à montrer la nudité de ses actrices et une torture en toc, avec son habituelle aptitude d'aller à l'essentiel en se débarrassant du superflu.


Tourné sans doute dans un Jardin des plantes pour ses scènes extérieures, Women in Cellblock 9 se démarque néanmoins quelque peu des précédents films par sa violence et son supposé extrémisme. Franco secondé par l'ami Howard Vernon excelle dans la représentation d'un sadisme boiteux via un éventail de supplices issus du meilleur abécédaire fasciste : âne espagnol, électricité, rongeur affamé et corne de rhinocéros en sus. Dépassant la misogynie inhérente au genre, si le madrilène confirme de nouveau son intérêt pour l'oeuvre Sadienne (débuté en 1968 par son adaptation de Justine), ce dernier, à l'image de la fin (brutale) du métrage, témoigne d'un goût prononcé pour les ambiances sombres et désespérées, minimisant par la même occasion le ridicule de certaines situations.


Second point notable au crédit de cette Cellule 9, la qualité des cadrages et d'une manière générale le travail effectué par le chef opérateur Ruedi Küttel. Techniquement, ce film d'exploitation, en n'échappant pas aux défauts coutumiers (et rédhibitoires) du genre fauché (interprétations erratiques des seconds rôles, décors et costumes « minimalistes », utilisation de stock-shots et autres enregistrements sonores jusqu'à l'écoeurement), s'affranchit de la marge pour offrir plusieurs scènes inspirées. La science francienne du zoom intempestif apparaît ainsi des plus maîtrisées. Les corps et les visages filmés ne sont plus l'outil d'un simple voyeurisme unilatéral, mais au contraire au service d'une mosaïque visuelle complexe ; la fausse scène lesbienne entre les quatre prisonnières s'inscrivant typiquement dans les thématiques chères à De Palma.


Au-delà de ses aspects plastiques notables, Frauen für Zellenblock 9 garde néanmoins une odeur de soufre, qui va bien plus loin que le genre WIP, scandale portant le nom de la jeune actrice Susan Hemingway. La censure britannique goûta peu aux débordements franciens, quand bien même ceux-ci sont visiblement factices et ne cherchent nullement à jouer une réalité snuff. Torture, violence sexuelle, et minorité d'une des actrices principales, il n'en fallait pas plus pour interdire le film (encore aujourd'hui) au Royaume-Uni.


S'inscrivant dans la longue liste des orientations fantasmatiques convoquant Sade et le cinéma d'exploitation, Women in Cellblock 9 aura perdu de son aura scandaleux trois décennies passées, et gagné son statut d'oeuvre francienne exubérante portée par un malicieux Howard Vernon, une incandescente Karine Gambier et la fragile beauté onirique de Susan Hemingway.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2013/03/women-in-cellblock-9-frauen-fur.html

Claire-Magenta
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le 25 déc. 2013

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