Pas de question, pas de réponse, sans pathos et sans voyeurisme, les événements, les plus beaux et les pires, les paroles qui disent l'amour, les rires, l'empreinte des regards et des sourires, et puis la chair qui emporte tout, choisissant ses propres souvenirs. Chair conçue, mise au monde, touchée, caressée, connue et reconnue, accompagnée jusqu'au bout. Le contact de la peau et la peau en contact. La chaleur de l'œuf tout juste pondu, la chatouille des têtards qui s'échappent. Au creux de la main. Le goût de la confiture, des larmes, l'odeur des cheveux, ce câlin-là, parmi tous les autres, dans la touffeur de l'été. Pour toujours. Il fallait oser ne garder que cet essentiel, faire fi des vraisemblances et du poids même de la vie, de sa salissure à laquelle nous rajoutons tant de tâches. Éternité donne à voir cette bouleversante chose nue, propose une vision en la mémoire. Si le film Matrix a marqué un tournant dans le cinéma en montrant des effets jusque-là inédits, Tran Anh Hung donne avec ce film un magnifique coup de volant et nous affirme que le cinéma n'est pas mort, qu'il est éternel. Pour qui saura saisir cette ambition, ce film sera inoubliable.