Euphoria est tout ce que Youth n’est pas : soit l’élaboration d’une forme capable de convertir un thème douloureux – la fin de vie – en ode à l’existence humaine dans ce qu’elle a de plus fragile et de plus beau, en symphonie que seul l’art peut immortaliser et réfléchir. Sorrentino réussissait, par la mise en contact de corps et de matériaux hétéroclites, à convertir le vieux en neuf, de ressusciter au moyen de l’art ce qui est destiné à disparaître afin de lui donner une nouvelle vie.
Euphoria n’a d’euphorique que son titre et ne parvient qu’à se complaire dans le malheur qu’il met en scène : c’est un mouroir pour ses deux actrices au talent certain mais ici cruellement sous-exploité, puisque la réalisatrice, soucieuse de traduire à l’image la distance qui sépare les deux sœurs, se tient écartée, cultive le retrait, rend ternes les beautés fragiles d’Eva Green et d’Alicia Vikander. Deux actrices que l’on ne filme pas, que l’on ne photographie pas, que l’on n’aime pas. Et les violons qui grincent. Le pire étant les réflexions pseudo-philosophiques sur l’existence humaine menées avec des cancéreux en phase terminale : « En réalité je comprends tout, mais je n’ai encore trouvé le sens de rien », qu’il dit, l’autre, avant que la cloche ne sonne son heure. Comme nous, en fin de compte : tout est si prévisible, si ampoulé, si démonstratif, que nous ne trouvons le sens de rien, ni la pertinence du geste artistique, ni la démarche esthétique – si démarche esthétique il y a –, ni cinéma dans cette boursouflure qui boîte et se plaint, esquisse grise et mal décalquée d’un adieu à la vie qui aurait dû constituer le point de départ d’une vie autre. Preuve qu’une idée, qu’un concept ne sauraient faire cinéma.