Certains diront que le scénario suit inlassablement le sentier balisé de ce genre de production, allant même jusqu’à réitérer une séparation entre les deux protagonistes principaux avant d’orchestrer leurs retrouvailles. D’autres y trouveront des longueurs, pointeront du doigt un ventre mou à mi-parcours où les stratégies de séduction du beau Russe prennent le pas sur le récit-cadre et ralentissent inutilement l’action. Mais ces reproches, fondés, se convertissent en éléments constitutifs du spectacle investi, à savoir l’Eurovision, ses chansons à la pop répétitive et aux paroles mielleuses, ses performances dont l’éclat constitue une finalité en soi, ses rivalités intestines qui mettent la musique – et son appréciation – sous le joug de motivations politiques souterraines. Le concours de l’Eurovision constitue un ensemble codifié, de la durée maximale des chansons aux sourires affichés par les présentateurs ; aussi le long métrage de David Dobkin l’est-il tout autant, sans jamais perdre de vue le charme de son couple de chanteurs islandais ni le comique général.


Car ce que réussit fort bien Eurovision Song Contest : The Story of Fire Saga, c’est à brosser le portrait de personnages profondément attachants : les mésaventures initiales de Lars et Sigrit servent d’accroches pour le spectateur, et l’approche parodique adoptée ici n’a pour effet que de souligner l’artificialité du dispositif mis en place pour mieux exacerber les sentiments véritables. Le concours de l’Eurovision est perçu comme un lieu de facticité où tout est prévu à l’avance, répété en coulisses et synchronisé via technologie. Or, nos deux Islandais raccordent le spectacle à son immédiateté et aux risques pouvant s’y produire à chaque instant : monsieur et madame catastrophe – frère et sœur, meilleurs amis, amants – font de la scène un espace de jeu quasi théâtral où s’extériorisent les conflits intérieurs, résultats du récit d’apprentissage de nos deux ingénus projetés dans le monde. Ainsi, chaque représentation est unique. Ainsi, les deux chanteurs font évoluer leur art au fur et à mesure de leurs propres expériences, ils investissent l’espace scénique comme seul lieu d’une parole sincère puisque le chant, le chant véritable, vient du cœur. C’est sur scène que l’incommunicabilité se résout, c’est sur scène que l’amour triomphe, l’amour sincère et vrai, aussitôt exclu de la compétition.


Porté par des acteurs épatants, mention spéciale à Rachel McAdams et Will Ferrell, ainsi qu’à Pierce Brosnan qui trouve là un rôle sensible, Eurovision Song Contest : The Story of Fire Saga est une très belle surprise : énergique – la mise en scène foisonne d’idées originales pour dynamiser l’ensemble –, drôle, charmant en dépit des apparences. Et surtout fort de chansons mémorables. Jaja Ding Dong !

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le 26 juin 2020

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