Souffrance animale
La vie d'un euthanasieur d'animaux, solitaire, bousculé par des suprémacistes blancs. Tant que le film conserve une certaine distance et une bonne dose d'humour noir, tout va bien. Le personnage...
le 5 oct. 2019
Euthanizer est l'anti-Disney par excellence.
Ici les animaux ne parlent pas, ne sourient pas, ne vivent aucune aventure palpitante. Ils ont rarement un nom, arrivent toujours dans une cage ou au bout d'une laisse, victimes apeurées de l'abyssale bêtise de leurs maîtres, ingrats et trop lâches pour se débarrasser eux-mêmes de leurs compagnons soudain trop vieux, malades ou encombrants.
Ils font alors appel à Veijo, mécanicien et "euthanizer" low-cost pour se salir les mains à leur place. Veijo ne manque jamais de sermonner froidement son client histoire qu'il reparte soulagé d'une présence animale, mais avec la culpabilité au ventre. Efficace.
Même s'il faut payer - moralement, financièrement - pour tuer, Veijo agit surtout par humanité envers l'animal, dont la souffrance le touche bien plus que ne l'on imagine au premier abord. Pour cet homme à la rage contenue, isolé et misanthrope, l'ironie du drame s'enclenchera quand il sauvera un chien qui ne méritait vraiment pas d'être abattu...
Le message est limpide : Euthanizer dénonce frontalement la bassesse de nos rapports avec les animaux (surtout domestiques), et combat férocement l'idée que la vie d'une bête ne vaut presque rien.
A un type se vantant de pêcher le saumon pour quelques glorieux clichés, avant de relâcher ses prises en rivière (tout en expliquant que le poisson ne souffre pas avec l'hameçon dans la mâchoire) Veijo répond par un effet miroir : coup de poing dans la mâchoire du type, pour le prendre en photo, à terre, apeuré comme une bête : La loi du talion pour donner des leçons de vie aux imbéciles.
Le propos du film est dur, mais vrai. La caméra se détourne à chaque mise à mort, l'idée n'étant pas de choquer, ou d'émouvoir, mais de susciter une certaine révolte en ouvrant un espace de réflexion sur nos rapports dénaturés, et passivement cruels avec les animaux.
Réaliste, efficace, lucide, bien interprété, cette fiction marque certainement une pierre blanche dans le genre animaliste. En filigrane, le fil rouge de l'histoire se focalise sur la condition animale opprimée par la condition humaine, c'est ce qui fait sa force et sa singularité. Ici, pas d'animal héroïsé ou sublimé pour émouvoir le public, ici l'animal reste ce qu'il est dans la vraie vie : une "bête", souvent anonyme, dont on peut ôter la vie impunément, juste par confort personnel.
Une oeuvre indispensable dans la filmographie pour tout défenseur de la cause animale.
Créée
le 8 août 2018
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