Oubliez La Vie Des Autres, Good Bye Lenin! et 4 Minutes ; le cinéma allemand qui fait vibrer la corde du renouveau n'est pas là, il était présent sur la croisette cette année avec Unter Dir Die Stadt de Christoph Hochhäusler et il est de nouveau présent cet automne avec la plus belle réussite allemande de l'année 2009, Everyone Else.

Le film de Maren Ade est sous bien des angles plus complexe qu'il n'en a l'air ; allant au delà d'une simple histoire d'amour contrarié, c'est une traversée dans les affres de la vie amoureuse, un précis sur ce moment de la relation ou le couple se construit et se prépare pour l'avenir.

Alors qu'apparaissent les questions portant sur le futur de leur relation (emménagement commun, enfants...), Gitti et Chris doivent apprendre à faire communément face aux problèmes de chacun. Le film, tirant son titre de la volonté de Gitti de s'éloigner de ce qu'on attend d'elle, et de Chris de s'y plier, nous emmène dans le quotidien d'un couple allemand moderne. Mais, entre Gitti et Chris, les problèmes de rapports de force ne jouent plus un rôle prépondérant ; ce sera tantôt elle et tantôt lui qui mèneront les scènes, qui dirigeront la relation. L'indépendance n'est plus une denrée rare à acquérir pour Maren Ade, elle est gagnée d'avance, et devient même en quelque sorte le centre des problèmes de communication du couple. Car si le cinéma allemand contemporain se répète quelque peu, c'est dans ses mises en scènes successives de couples, ou familles que les problèmes de communication séparent irrémédiablement (Nachmittag d'Angela Schanelec ; Montag de Ulrich Köhler ; L'Imposteur de Christoph Hochhäusler). Cette problématique centrale du cinéma germanique des années 2000 doit aussi se comprendre à une plus grande échelle sociologique —ces réalisateurs n'en faisant la représentation qu'au plus petit dénominateur commun : le couple, la famille (qu'on ne se lasse pas de mettre à mal en Allemagne depuis les années 70)— ; dans l'Allemagne d'aujourd'hui, la structure familiale est de nouveau remise en question. Après le choc des années 70, le terrorisme et la dénonciation d'un état encore sclérosé par la seconde guerre mondiale et le nazisme, l'Allemagne des années 2000 tente de reposer de nouvelles bases de compréhension de son identité. Retournant vers des lieux et des thématiques propres à sa construction comme la forêt (Montag ; Milchwald de Christoph Hochhäusler), les contes (Milchwald), l'alliance d'un urbanisme maîtrisé, et d'une nature proche (Nachmittag ; Sehnsucht de Valeska Grisebach ; Montag et Bungalow de Ulrich Köhler), le cinéma allemand fait le bilan de sa première « nouvelle vague » qui en 1978 frappait un grand coup avec L'Allemagne En Automne, tirant par là même la sonnette d'alarme d'un pays qui ne se réfléchissait plus suffisamment, aussi bien historiquement, qu'ontologiquement.

Après Contrôle D'Identité (Christian Petzold, 1999), le cinéma allemand tourne la page du terrorisme pour toutefois lui en emprunter des thématiques qu'il réutilise et actualise. Le silence qui entourait le passé nazi en 1970, entoure désormais les jeunes allemands en quête d'identité, ne parvenant pas à trouver leurs places dans la société. A cette image, Maren Ade fait de ses personnages, des figures portées par le doute que leur a offert l'illusoire possibilité de tout pouvoir faire. Chris doute ainsi de ses capacités d'architectes et rejette Gitti qui tente de construire avec lui une relation durable. L'être, après avoir été communautarisé, est aujourd'hui individualisé à l'extrême et dans l'incapacité de recevoir l'autre dans sa sphère personnelle. Savoir faire siennes les interrogations de l'être aimé et surtout pouvoir accepter son aide afin de résoudre nos propres conflits, voilà ce qui apparaît alors comme le véritable fil rouge de ce film remarquablement maîtrisé par Maren Ade, et pour lequel la réalisatrice obtint le grand prix du jury au Festival de Berlin 2009 — prix que vint compléter le couronnement de Birgit Minichmayr comme meilleure actrice [...]
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le 18 déc. 2010

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