Ce film de Méliès est notable par la proximité de sa principale attraction avec le split screen (ou écran séparé), usage auquel Méliès n'a jamais recouru au sens strict à cause de sa conception de la narration. En effet le premier pape des trucages au cinéma a toujours pratiqué le montage le plus élémentaire, en mettant bout-à-bout les plans pour former une scène unique et linéaire – puis bout-à-bout les scènes dans ses projets plus longs comme Le Voyage dans la Lune, Voyage à travers l'impossible ou Jeanne d'Arc.
Dans Évocation spirite, l'écran séparé est superposé mais il n'y a pas de rupture dans l'action. Il montre le buste de personnages situés ailleurs, mais ceux-ci réagissent aux gesticulations de leur invocateur – à l'exception du premier des trois, une sorte de diable. Méliès interprète le magicien et joue comme souvent à balader sa tête (Un homme de têtes, L'Homme à la tête en caoutchouc) et se multiplier (L'homme-orchestre), en étant le troisième convoqué dans la couronne de lauriers. Le cinéaste, qui a souvent exploité des figures démoniaques et quelquefois une panoplie horrifique (Le Cauchemar, Le Manoir du diable), tourne en dérision la pratique du spiritisme.
Il semble ré-affirmer la supériorité du théâtre de l'illusion (sur les occultistes et leurs prétentions) et, pour la magie, des artifices sur la superstition ou la mystification. Le sujet est important car aux moments où le cinéma émerge et alors qu'il se diffuse surtout dans les foires (d'autant plus après l'incendie au Bazar de la Charité en 1897, qui participe à écarter de la consommation courante la haute société), ce qui n'est pas encore 'le septième art' est rapproché de ce genre de séances, souvent orchestrées par des charlatans ou des malveillants. Méliès est d'autant plus exposé à l'amalgame qu'il investit le cinéma en prestidigitateur, important les tours et procédés des illusionnistes.
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