Sylvester Stallone représente sans doute l'ultime self-made-man d'Hollywood.
Quand son comparse Arnold Schwarzenegger bénéficiait du brio d'artistes comme McTiernan, Cameron et Verhoeven, Stallone était livré à l'absence manifeste de talent d'une horde de faiseurs sans âme. Renny Harlin doit être son meilleur réalisateur !
Alors il a mis la main à la pâte. Il a fait quatre de ses Rocky lui même, écrit ou retravaillé nombre de scénarios, et malgré tout conservait une réputation d'homme des cavernes stupide, relayée par toutes les parodies que l'on connait...
Alors que tout semble finit pour lui, il offre à ses fans ce qui s'annonce être un baroud d'honneur, deux cerises sur le gâteau : Rocky Balboa et John Rambo.
Histoire de leur donner le dernier cadeau qu'ils méritaient. Evidemment les deux films sont réussis, mais contre toute attente remportent un succès en salle considérable ( ils n'ont pas franchement coûté grand chose, par rapport à la moyenne américaine ) et déclenchent une vague de nostalgie eighties, même chez les consommateurs de ciné occasionnels.
De mon côté, je me réjouis qu'un vieux de la vieille vienne donner des leçons à des connards comme Len Wiseman ou Paul Greengrass, et j'attends "l'après".
Et voilà l'objet ! Pur revival eighties : racoleur, ordurier, gore, décomplexé, outrancier... The Expendables arbore un fier étendard de noble série B déchue. Et pour le plaisir de tous, la compagnie Nu Images ( spécialisée jusqu'ici dans le Bis fauché ) met les petits plats dans les grands. All Star Cast, Pyrotechnie exacerbée, plus de trois lieux de tournage (!), on entre dans la cour des grands... Et l'effort est justement récompensé puisque le film s'est hissé à la première place du box office américain trois semaines de suite.
Le film lui-même est une sorte de sucrerie offerte par Stallone après le trou normand que constituait John Rambo. Un film agréable, qui caresse les mirettes dans le sens du poil, supporte plusieurs visions et sait, quand il le faut, faire preuve de curiosité.
L'ouverture avec les plans "Vue Predator New Age" pourrait s'avérer catastrophique... Tout comme la fameuse scène de Mickey Rourke tout bleu qui souligne le dilemne émotionnel que traverse Stallone. Ou encore la scène-de-copains qui le plus souvent sombre dans l'entre-branlette indigeste !
C'est dans ces moments les plus potentiellement môôôvééés que Sly dévoile sa maestria : généreusement, il nous file le plan large dont on rêve depuis tout petit ( Stallone et Schwarzy ! ), il laisse Mickey Rourke dominer la scène de façon honnête et très premier degré, lui conférant une authenticité inattendue pour ce genre de film, et les excès de jeunisme, il les distille comme seul un vieil artisan sait le faire. Il n'en fait pas le faire-valoir de sa mise-en-image...
Si à première vue le film est parfois un peu confus ( la bataille finale de vingt minutes m'a un peu perdu, la première fois ) il n'en demeure pas moins LA réussite que le cinéma de genre attendait depuis bien trop longtemps. Et si l'abondance de personnages interdit un développement poussé, Sly offre à chacun de ses comparses son moment de gloire, se laissant lui-même quasiment au second plan de chaque scène, lui qui en est le héros !
Jason Statham parvient à sortir de l'ornière des Transporters à la con, Jet Li est plutôt drôle, Terry Crews extrèmement charismatique, Eric Roberts pourri jusqu'à la moelle, et Dolph Lundgren complètement ravagé...
Gageons que Stallone va continuer son bonhomme de chemin, s'imposant comme le maître d'œuvre évident d'une nouvelle vague de bons films d'actions... Un mec qui débute son film par un plan flou de lumières qui par l'effet d'optique se découpent comme des jolis ronds, pour aller se poser sur de grosses bécanes dont les phares inondent la caméra de flare, on voit qu'il sait ce qu'il fait !