La bonne nouvelle, c'est que, sur le papier, "Extinction" est probablement une des propositions SF les plus sympathiques disponibles sur Netflix depuis un bon moment (le long-métrage a été racheté à Universal pour être distribué via la plateforme) -ce n'était pas bien difficile en même temps, on vous l'accorde.
La mauvaise, c'est que le résultat est tout de même très loin de la perfection absolue.
Coécrit par Eric Heisserer, scénariste de "Premier Contact" et réalisé par l'australien Ben Young (le très bon "Love Hunters"), "Extinction" a pour plus grande qualité sa construction en trompe-l'oeil autour de trois actes ménageant plutôt habilement la surprise de sa dernière partie mais il a aussi l'énorme défaut de s'adonner trop souvent à du remplissage on ne peut plus classique en attendant de révéler tous les tenants et aboutissants de son intrigue.
Les vastes interrogations existentielles introductives du personnage de Michael Peňa en voix-off ("Qui sommes-nous ? Qui suis-je ? Où allons-nous ? Est-ce qu'il y aura un Ant-Man 3 ?" -bon, il y a peut-être un intrus...) nous préparent évidemment le terrain à un film qui se voudra être moins idiot qu'une simple invasion alien de plus.
Dans ce monde vaguement futuriste, Peter, le père de famille incarné par l'acteur, est assailli de cauchemars où des extraterrestres tombent du ciel pour dézinguer l'humanité entière. Sa vie familiale et professionnelle étant de plus en plus la victime par ricochet de ce mal étrange, Peter décide de se rendre dans une clinique pour en déterminer la cause. Là-bas, il rencontre un autre patient souffrant apparemment des mêmes visions...
Cette première partie réussit bien entendu à nous interroger sur l'origine de ces mystérieuses prémonitions tout autant que son héros. Pourquoi lui ? Sont-elles vraiment une représentation de l'avenir ou une réminiscence d'un évènement antérieur ? Dans ce flou permanent installé peu à peu grâce à l'étrangeté de l'environnement aseptisé dans lequel les protagonistes évoluent, on en vient même à envisager une familiarité avec un certain célèbre film des frères Wachowski sur ce qui peut se cacher derrière les apparences... Le problème, c'est qu'au-delà de ça, "Extinction" se contente du minimum syndical sur quasiment tous les autres plans. Hormis les rapides flashs intriguants d'attaques aliens, cette exposition fait dans le basique le plus inconséquent possible, les personnages ne sont définis que par les instants très banals partagés en famille, l'empathie que l'on est en droit d'attendre de ressentir pour eux reste cruellement absente (ce qui plutôt étonnant venant de la part du tandem Young/Heisserer) et l'atmosphère de mystère ne suffit même pas à masquer l'indigence de toute cette introduction archi-classique.
Mais, d'un coup, le second acte vient couper court aux interrogations suscitées par cette première partie et le film bascule sans prévenir dans l'invasion extraterrestre pure et dure qui mise avant tout sur l'action. Là encore, "Extinction" ne fait pas dans la grande originalité, les péripéties très attendues s'enchaînent : la famille héroïne s'allie avec une autre servant de chair à canon, les enfants font n'importe quoi pour se mettre en danger, les aliens font des bruits d'aliens, leurs vaisseaux produisent des sons mécano-dingos... Bref, dans un décor apocalyptique aux teintes verdâtres pas franchement très esthétiques, le film fait tout ce qu'on attendait de lui à la lecture de son pitch en amont et qu'il avait paradoxalement réussi à déjouer avec son introduction. En misant bien évidemment sur notre fascination (qui ne s'estompera probablement jamais) devant la découverte d'une race inconnue de créatures prêtes à tout pour annihiler les pauvres humains que nous sommes, "Extinction" parvient à faire illusion côté divertissement mais, hormis un alien revanchard qui ne veut plus lâcher notre famille, il n'y a pas grand chose de fou à signaler dans cet enchaînement de séquences destinées à amener tout ce petit monde au plus près des révélations finales qui les guettent.
Et il y a donc cette dernière partie bien plus réussie que le reste dans sa manière de lever le voile sur la réelle dimension de toute cette histoire. Alors, certes, tous les prétextes pour nous y amener paraissent encore une fois très futiles mais cette nouvelle grille de lecture fait son petit effet autant dans son cheminement explicatif (on aurait même aimé en savoir plus) que par les éclairages qu'elle apporte. À sa lumière, on pardonnera même les facilités du premier acte qui y trouveront quelque part une sorte de justification mais le deuxième acte, lui, apparaîtra encore un peu plus à nos yeux comme une sorte de remplissage éhonté pour garder le mystère sur les véritables intentions du film. Peut-être que ce twist final ne fera pas tomber à la renverse les plus aficionados de SF qui nageront en terrain bien connu mais, plus largement, le procédé fera pour une fois plutôt bien son job en remettant complètement en perspective l'ensemble des événements auquel on vient d'assister et en offrant une profondeur bienvenue (et tant espérée) aux personnages.
On sortira ainsi un brin perplexe du visionnage de "Extinction", conscient d'avoir assisté à une sorte d'épisode convenable de "Black Mirror" mais un peu déçu d'avoir vu le duo Ben Young/Eric Heisserer, pourtant très prometteur, se contenter de piller à droite et à gauche dans toute la richesse que leur offre le catalogue de la science-fiction pour en faire une sorte d'immense melting-pot à twist.
Cela dit, vu ce à quoi Netflix nous a habitué en matière de propositions SF récemment, "Extinction" sera apparu comme un petit oasis au milieu du désert, on s'y sera arrêté avec plaisir le temps de s'y abreuver puis on aura repris notre route en espérant en trouver un meilleur avec plus de choses à offrir.