Le rebelle apprivoisé
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le 8 mai 2023
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Un jour, un salary man nommé Nijima met la main sur un yakuza qu’il pense être le responsable du meurtre de sa fille. Il le séquestre, le torture jusqu’à ce que l’homme succombe. Une nouvelle vie commence. Ça tombe bien, Nijima tombe sur un ancien camarade, Iwamatsu, qui lui propose d’abandonner son métier pour le rejoindre dans son « entreprise ». En réalité, il s’agit d’un gang souvent chargé de buter des gens…
Bon, par où commencer ? Peut-être par l’excellent casting : Shô Aikawa (déjà présent dans le premier volet du diptique, ici dans le rôle du père de famille vengeur), le kitanesque Dankan, l’excellent Ren Osugi mais aussi ce bon vieux Susumu Terajima ou encore Moe Sakura, fraîchement débarquée d’un pinku de Takahisa Zeze (Raigyô).
Mais on peut aussi insister sur le fait que le film n’a rien à voir avec le premier volet, notamment dans le ton. Alors oui, il y a toujours un côté cryptique qui pourra rebuter les plus réfractaires aux plaisirs herméneutiques, et l’on retrouve un certain goût de l’absurde. Mais le curseur est poussé un peu plus du côté du délire, délire qui, dès que Nijima fait la rencontre de l’équipe de bras cassés d’Iwamatsu, rappelle ce glorieux nom :
Takeshi Kitano
Car oui, en voyant ces Yeux de l’araignée, impossible de ne pas songer à Jugatsu (dans lequel jouait Dankan) et surtout Sonatine, sorti cinq années plus tôt. On y retrouve la même ambiance étonnamment décontractée (cf. la scène où la fine équipe pêche sur une barque au milieu d’un lac) ainsi que l’humour jouant sur les ellipses. Il y a même parfois un humour foutraque, un rien WTF, qui évoquerait les facéties de Beat Takeshi dans d’autres films. Ainsi la scène où les cinq gars entourent une victime pour l’achever mais mettent le temps à le faire à cause d’une succession d’enrayages des revolvers, mais surtout celle (souvent citée) où l’on voit Nijima de profil, marcher le long d’une avenue. Arrive dans le champ, à l’arrière-plan, le personnage d’Osugi (un yakuza supérieur) dans une voiture, roulant au rythme de Nijima pour lui demander de penser à rédiger un dossier demandé. Je ne vais pas dévoiler davantage cette scène, ce qu’il se passe est tout bête et assez réussi, si l’on aime le comique basé sur la répétition et la variation.
Après, le film n’est pas exactement une tarte à la crème façon Getting any ? envoyée à la frime du spectateur. Mais comparativement au reste de la filmographie de Kurosawa il est, en dépit des nombreux cadavres qui jonchent le film, le plus comique. D’ailleurs, si l’on regarde la liste de ses films après Eyes of the Spider, on s’aperçoit que le ton sera invariablement sérieux (du moins dans l’ensemble), que Kurosawa ne retrouvera jamais cette verve. Et c’est bien dommage car je serais assez curieux de voir un film maintenant avec toute sa maîtrise technique.
Eyes of the Spider peut donc être abordé comme une sorte de pastiche de Kitano à la sauce Kurosawa. Mais on peut tout aussi bien l’apprécier comme un film sur le vide et l’effondrement moral d’un personnage, effondrement qui résonnera étrangement lorsqu’arrivera une stupéfiante révélation à la toute fin du film.
Scénarisé par Kurosawa lui-même (alors que The Serpent’s Path l’avait été par le scénariste de Ringu), Eyes of the Spider est peut-être le meilleur film du dytique… qui est en fait une tétralogie, puisque Kurosawa considère ses deux autres films sur la vengeance (The Revenge: A Scar That Never Disappears et The Revenge : A Visit from Fate) comme les deux premiers volets.
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il y a 14 heures
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