La vie est-elle limitée à la jeunesse, sommes nous contraints de pourrir en ayant atteint un certain âge, en regrettant le temps du passé, ou bien y a t-il toujours de l'espoir, peu importe la période de notre vie, à pouvoir vivre des moments excitants et épanouissants si tel notre volonté en est à l'égal.

La réponse nous l'est apportée à travers la relation qu'ont les personnages avec le temps, dans ce New York où justement tout se fait rapidement, se consomme rapidement, et où le temps est vu comme une malédiction pour la majorité des protagonistes.

Ainsi, Jamie Harris est un homme en manque de plaisir qui passe ses nuits avec nombre de jeunes femmes, et c'est donc le pouvoir qu'a la ville qui ne lui fait que consommer tous ses moments. Anna Thomson, la muse et le centre de ce film, qui va rencontrer le 1er personnage mentionné et ainsi confronter sa façon de penser, incarne un personnage tout ce qu'il y a de plus atypique et donc fort mémorable, toute droit sorti d'un conte de fées. On se demanderait bien qu'est-ce qu'elle fiche dans ce New York qui ne savoure plus le plaisir du temps qui passe.

Si il y a bien une chose à retenir de "Fast Food, Fast Women", c'est bien le comportement des sexagénaires présents dans le film, en pleines discussions dramatiques à propos de leur rapport au temps. On y trouve d'abord la relation romantique entre Louise Lasser et Robert Modica, qui est tout simplement criante de sincérité et de bonheur, leur interprétation demeurant sans faille. Puis de l'autre côté, la bande de vieux grincheux, qui incarnent la vision négative de la vieillesse, là aussi tout aussi intéressante puisqu'elle se confronte directement avec la vision positive. Ainsi, Victor Argo annonce : "La vie ne commence pas à 70 ans, elle finit à 70 ou 75 ans, quand les dents tombent et qu'on pisse toutes les 10 min. Personne ne t'aimera pour toi-même à ce stade du jeu. Et t'es pas assez riche pour acheter l'amour."

Parlons maintenant de Robert Modica, l'acteur éclairant de ce film, qui doit être le plus magnifique des gentleman qu'il m'ait été donné de voir dans un film, et pour ça respect ! La femme dont il conquiert le cœur a par exemple des doutes sur son charme actuel. La liberté sexuelle n'étant plus ce qu'elle était dans la jeunesse de ce couple, comment rivaliser en effet avec les jeunes femmes de la ville, la possibilité pour une personne âgé de sortir avec une jeune personne n'étant plus impossible, le complexe et les doutes sur son âge se font ressentir. Mais ce Robert saura trouva les mots et la tendresse envers cette femme, c'est pour ça que j'ai adoré cet acteur. Sa sagesse m'a aussi énormément touché dans la scène qui se déroule en la présence de la prostituée. Pourquoi se presser, et même être contraint de faire l'amour, quand on peut tout simplement discuter, prendre son temps et faire d'un moment qui aurait pu être machinal, éphémère de plaisir et sans véritable saveur, un moment agréable et instructif sur l'individu. C'est donc encore la ville qui contraint les gens à se presser, comme le dit la prostituée : "Non, rien ne presse, mais je ne peux pas rester longtemps, alors..."

La fin du film, qui se termine en douceur, nous montrant les différents protagonistes en marche sur leur propre quotidien, rapide pour Anna Thomson et posée chez les vieux grincheux, m'a fait nourrir une réflexion quelque peu inattendue de ma part. Victor Argo se plaint ainsi de ne pas recevoir dans les temps son café par la serveuse, et grogne : "Je ne vais pas la supplier ! Cela fait vingt ans que je suis client ici !" La serveuse, lui tenant enfin le café, lui dit : "C'est offert." Alors oui, si toutes les serveuses en retard étaient comme elles, on ferait bien de superbes affaires. Mais à mon sens, la signification de l'offre de ce café pourrait être la suivante : "Soyez content que l'on ne vous facture pas le temps passé et l'espace occupé, car contrairement aux consommations, c'est bien tout cela l'essentiel et qui possède une vraie valeur".

N'allez pas penser après mes réflexions que ce film est encore une énième source de Bullshit intellectuel. Non non non, c'est vraiment un film que je souhaite à tous les amateurs de comédies romantiques agréables, aux sexagénaires en manque d'amour et en dépression sur la condition de leur âge, et à tous les jeunes comme moi qui font style qu'ils veulent montrer comment ils y ont déceler un soupçon de subtilité. Quoiqu'il en soit, posez vous un instant, ne pensez plus au temps qui passe, et sachez appréciez ce bon moment de cinéma comme il se doit.
shizaya
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le 25 août 2014

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le 25 août 2014

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shizaya

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