Ménage à trois
Je n'ai encore lu aucune critique sur le site, ou même ailleurs. Mais je mettrai ma main à couper que, malgré l'absence de surprise quant au contenu de l'entreprise, on se retrouvera encore une fois...
le 10 août 2019
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Il est vrai que pour certaines critiques, nous prenons notre temps à la rédaction. Et pour cause, il nous arrive de publier des articles bien après que les films en question sont sortis en salles. Cela peut être l’ordre de quelques jours comme d’une semaine entière. Mais quelque part, pourquoi donc se presser ? Ici, nous ne sommes pas là pour tirer la couverture au maximum en fonçant sur la première occasion. Nous ne sommes pas du genre à vouloir diffuser nos écrits avant les autres juste parce que les médias sont une course à l’information, où la même chose va être répétée en boucles des jours et des jours. Nous préférons laisser le temps à nos rédacteurs de voir les films selon leur disponibilité et de pouvoir pousser l’analyse avec du recul. Oui, vaut mieux légèrement appuyer sur le frein plutôt que de pousser à fond l’accélérateur ! Chose que semble faire la saga Fast & Furious depuis le succès surprise de son cinquième opus. Une série qui n’a dès lors roulé que sur ses seuls acquis sans se renouveler, atteignant l’overdose du n’importe quoi (Fast & Furious 8). Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que la fameuse « famille Vin Diesel », si parfaite jusque-là, se retrouve prise au piège dans sa course au succès, enchaînant les conflits et autres bad buzz (confrontation entre Diesel et Dwayne Johnson, le pétage de plombs de Tyrese Gibson, Michelle Rodriguez ne mâchant plus ses mots…). C’est d’ailleurs à partir de cela que les producteurs ont voulu suivre la mode des univers étendus et offrir aux spectateurs un spin-off. Un projet en guise de mise en bouche à Fast & Furious 9 (prévu pour 2020) mais surtout un projet écartant Diesel, afin de mettre en avant ses deux rivaux du moment que sont Dwayne Johnson et Jason Statham. Deux personnages introduits dans la saga et qui se sont retrouvés en un rien de temps dans le cœur du public, au point de faire gonfler bien des egos. Et de montrer que courir après le succès avec autant de précipitation ne peut engendrer qu’une sérieuse perte de vitesse.
Quoique ce spin-off, sobrement intitulé Hobbs & Shaw, pourrait être vu comme une véritable mise en abyme de ces différends cités plus haut. Et pour cause, le film met sur le devant de la scène deux personnages qui s’étaient déjà croisés dans la saga principale et qui, par leurs différences (de caractère, leur physique, leur façon de se battre…), font de chaque instant un véritable concours d’ego. Leur rivalité certaine, présentée dans Fast & Furious 7 puis transformée en une sorte de running gag dans le 8, devient ici le centre d’intérêt de tout un long-métrage, durant lequel ces deux personnages éponymes ne vont pas arrêter de se lancer des vannes à tout bout de champ. De se comporter en véritables gamins malgré les situations périlleuses se présentant à eux. Bref, de savoir lequel des deux est meilleur que l’autre ! Et c’est en cela que Hobbs & Shaw, sortant au milieu de toutes ces polémiques entourant l’envers du décor – la dernière en date faisant état des lieux de contrats limitant le nombre de coups reçus par les protagonistes –, aurait très bien pu se voir comme un film d’auteur usant de ces histoires pour exister voire même dénoncer. Ou bien un blockbuster à la production bien huilée, créant de fausses polémiques pour aider sa propre publicité – la mésentente entre Vin Diesel et Dwayne Johnson avait démarré quand nous apprenions que Fast & Furious 8 présentait un Diesel/Toretto abandonnant sa « famille » pour passer du côté des méchants. Oui, derrière ce blockbuster décérébré pourrait très bien se cacher un objet beaucoup plus pointu et intelligent que prévu. Mais au visionnage du film, ce dernier nous rappelle dès ses premières minutes que nous avons affaire à un simple film Fast & Furious, qui ne fait que reprendre la formule de ses prédécesseurs et rien d’autre…
Après, ne nous voilons pas la face : depuis le cinquième opus, le moindre Fast & Furious a toujours su amuser la galerie, jusque-là sans trop forcer : faire le plein de grosses séquences d’action spectaculaires, être débile à souhait tout en l’assumant et aller à fond les pédales dans cette direction. Hobbs & Shaw ne déroge donc pas à la règle et se livre à nous comme un gros blockbuster assurant le spectacle comme il se doit, au risque de déplaire aux plus pointilleux par son sérieux manque de scénario. Et comme le film se concentre sur la rivalité caractérisant ses personnages éponymes, il devient pour le coup un véritable buddy movie tout droit sorti des années 80-90. Dans lequel la majorité des ressorts comiques, d’action et d’intérêt va se focaliser sur les aptitudes de ses protagonistes : les muscles et la force exagérément herculéenne de Dwayne Johnson, le combattant aguerri et froid qu’est Jason Statham… Procurant au film sa dose de joutes verbales et de scènes au corps-à-corps bien senties, que viennent par ailleurs souligner la mise en scène du réalisateur David Leitch (John Wick, Atomic Blonde, Deadpool 2). Si le bonhomme n’a pas de style bien particulier ni de patte bien à lui, il parvient à donner ce qu’il faut d’efficacité et de peps à l’ensemble, bien loin de l’aspect mollasson qu’avait eu F. Gary Gray sur Fast & Furious 8 (la séquence d’évasion de Johnson et Statham). En plus d’avoir des interprètes qui semblent s’amuser malgré leurs différends et des petits nouveaux tout aussi excités de faire partie de l’aventure (mention spéciale à Vanessa Kirby, révélée dans Mission : Impossible -Fallout), le spin-off est un spectacle appréciable, qui saura divertir sans la moindre difficulté. Mais qui est bien, bien loin de la jouissance qu’il aurait pu nous procurer avec son postulat et ses têtes d’affiche.
Car si Hobbs & Shaw pouvait prétendre au blockbuster d’action de l’été, il est irrémédiablement rattrapé par la marque Fast & Furious dont il dépend. Même s’il semblait vouloir s’en éloigner en mettant de côté bolides et autres pépés en petite tenue, le long-métrage n’arrive pas à se défaire des défauts de la franchise pour autant. Le scénario ? Bien qu’il soit aux abonnés absents et qu’il ne s’en cache pas, il reste désespérément cliché et vide au possible, au point de donner l’impression d’un projet en roue libre totale. Le rythme ? Des vannes qui s’étirent parfois longuement pour faire patienter jusqu’à la prochaine séquence d’action. Les effets spéciaux numériques ? D’une laideur sans nom pour un titre de ce calibre (la cheminée d’usine qui s’effondre, la « chenille » de véhicules reliés à l’hélicoptère), bien que ce spin-off privilégie bien plus les véritables cascades que ses prédécesseurs. Les invraisemblances ? Il y en a bien moins que dans Fast & Furious 8, mais le film reste toute de même à un bon niveau de n’importe quoi pouvant être indigeste même si c’est pleinement assumé (certaines cascades, Hobbs en chute libre pour rattraper des mercenaires en rappel, encore une fois la « chenille » de véhicules…). La crédibilité ? Après les invraisemblances des autres films et la geek ultime jouée par Charlize Theron (Fast & Furious 8), vous aurez ici droit à un antagoniste certes badass mais tout droit sorti de l’univers des G.I. Joe (super-soldat avec force surhumaine et yeux bioniques) – qui confirme la rumeur selon laquelle les scénaristes désireraient emmener la saga dans le domaine de la SF, pour notre plus grand déplaisir. Et si vous n’êtes toujours pas convaincus, attendez-vous un à un climax qui sent bon le Fast & Furious à l’excès. Car si le film évite jusque-là certains écueils de la franchise, il plonge dans sa dernière partie dans le gnangnan niaiseux (le fameux esprit de « famille » de la saga) et le WTF sans nom (Dwayne Johnson se livrant à un haka ridicule). Ajoutez à cela le fait que le film, bien qu’efficace, n’ose jamais aller plus loin dans son délire. Que ce soit le postulat, n’allant jamais dans la mise en abyme citée en amont de cette critique, ou bien la mise en scène de David Leitch, menée avec savoir-faire mais se reposant sur ses lauriers, n’ayant de « délirant » que le générique de début en split-screen, c’est pour dire…
Tout cela pour dire qu’il était inutile de foncer tête la première pour rédiger une critique de Fast & Furious : Hobbs & Shaw. Bien avant que le film ne se dévoile via sa promotion, nous savions déjà à quoi il allait ressembler. Vu comment la saga se présente depuis quelques années, nous pouvions faire une critique de ce spin-off sans même l’avoir vu. Et puis, se presser pour dire qu’il s’agit d’un buddy movie efficace mais loin d’être jouissif à cause d’une formule usée jusqu’à la gomme, cela n’en valait clairement pas le coup. Cependant, prendre autant de temps permet de voir que la folie des grandeurs de la franchise commence à lasser – le film peine à attirer le public, étant bien loin des scores pharaoniques de ses prédécesseurs au box-office. Est-ce à cause du postulat, qui s’éloigne de la saga principale et de ses personnages attitrés ? De la surdose d’une série qui s’éternise au point d’être prévue jusqu’à un dixième voire onzième opus ? De cette avalanche de polémiques qui casse l’envie de poursuivre l’aventure (de part leur propos et/ou leur ridicule) ? Du manque de renouvèlement certain de la franchise ? Tant de questions qu’un film Fast & Furious parvient à poser, cela relève presque de l’exploit ! Aussi bien pour la saga que pour le paysage hollywoodien actuel, ce dernier étant devenu tout aussi tape-à-l’œil et grandiloquent qu’une voiture customisée. Hobbs & Shaw est certes efficace et divertissant, ne le cachons pas. Mais il en devient vraiment insultant de devoir se contenter de si peu. D’être obligé de rouler à cadence réduite alors que la nitro de notre moteur attend patiemment d’être activée pour une bien meilleure course.
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Créée
le 13 août 2019
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