Andreï Zviaguintsev est le seul réalisateur russe vivant que je connaisse. De lui, j'avais vu Le Retour (une fois) et Léviathan (quatre fois). Ce film, difficile, m'avait fasciné. Et je le tiens pour un chef d'oeuvre.
J'allais donc voir avec un préjugé très favorable son dernier long métrage : Faute d'amour (Loveless), Prix du Jury à Cannes cette année. Déçu ? Non, mais éprouvé, car le film est d'une noirceur extrême, caricaturale.
On connaît l'histoire : ne se sentant aimé ni par sa mère ni par son père, lesquels sont en train de divorcer, ont mis en vente l'appartement familial (situé dans une banlieue de Moscou, en bordure d'une forêt, non loin d'une rivière) et se rejettent l'un sur l'autre la garde du seul enfant qu'ils aient eu ensemble, Aliocha, petit garçon de 12 ans, disparaît un matin, au lieu de se rendre au lycée, sans prévenir personne ni quasiment laisser de traces. Là, on en est à la fin du premier quart d'heure. Le reste du film, moins un épilogue de cinq minutes, se passe à le rechercher. Il y a urgence, car une tempête de neige s'annonce, la température a chuté et... on est en banlieue moscovite, pas sur la Côte d'Azur. Les recherches sont prises en charge par une association privée, bénévole et sont effectuées très méthodiquement. On finit par retrouver la veste de l'enfant, rien d'autre et... les jours passent et l'espoir de le retrouver vivant s'amenuise.
Le film est non seulement très noir, il est extrêmement angoissant, frustrant au point d'avoir dans le coeur une sourde irritation contre le réalisateur. On se demande quelles sont ses intentions cachées, pourquoi une telle histoire et pourquoi cette fin.
Pour moi, Zviaguintchev les révèle clairement dans son épilogue. Le film est une métaphore transparente du conflit russo-ukrainien : d'abord unies, les deux entités (ou administrations), chacune ne pensant qu'à elle-même, se bouffent le nez, se livrent à un combat de chien et de chat et... c'est le peuple innocent qui trinque avec, à la clé, des centaines de morts et plus.
Techniquement, le film est irréprochable, la mise en scène, la photographie, la bande son sont superbes. L'interprétation est saisissante (la palme de l'égoïsme et de la folie revenant incontestablement à la grand mère d'Aliocha).
Reste le scénario, l'histoire elle-même. Je vais me faire taxer de bourgeois révisionniste, mais pour moi, le cinéma est aussi un divertissement, un moyen d'évasion et... Faute d'amour, c'est sûr, ne remplit pas cette partie du contrat. C'est une histoire très dure et qui fait mal.
On sort du film en emportant avec soi toutes sortes d'interrogations et sans pouvoir oublier le visage de ce malheureux gamin. Pauvre Aliocha, pauvre chat !