Au temps de la Russie communiste, la famille est un symbole d'état. Le père, la mère et les enfants représentent la pérennité du système, l'accomplissement divin. Le motif de la famille est par-ailleurs utilisé par les chefs de l'État pour encadrer la population, la maintenir dans une servitude totale, une dévotion constante. Le chef de l'État se fait ainsi appelé le "Père de la Nation", il est bienfaiteur, bienfaisant, celui qui garanti la sécurité de la population et qui se dévoue corps et âme au pays qu'il dirige, comme le père se dévouerait corps et âme pour sa famille. C'est justement de dévotion dont il est question dans Faute D'amour. Où plutôt Andreï Zviaguintsev interroge les limites de cette dévotion face à l'égoïsme qui ronge Zhenya et son mari Boris. La figure du père suit une trajectoire opposée de la représentation du père communiste. Il n'est pas celui qui se bat pour sauver sa famille, pour retenir sa femme ou pour retrouver son fils, mais une ombre qui traverse les lieux, spectateur désabusé d'une situation qui le dépasse totalement. À peine semble-t-il avoir accès à la parole, sauf s'il s'agit de faire émerger des préoccupations égoïstes, à mille lieue de la crise familiale qu'il traverse. Le personnage de la mère suit une trajectoire analogue, elle n'incarne pas les valeurs de l'amour, de la protection, de la dévotion, mais des valeurs contraires. Profondément narcissique, soucieuse de son bien-être et de son image sur les réseaux soucieux, sa vie n'est que mis-en-scène, jusqu'au choix de son amant qui est l'homme parfait pour s'intégrer socialement dans les classes supérieures de la société. La majorité de son discours se construit par des exclamations haineuses, des accusations qu'elles projettent en miroir à défaut de se reconnaître comme coupable de la situation qu'elle traverse. C'est lorsqu'elle avoue à son amant avoir toujours souffert d'un manque d'amour, notamment parce que maltraité par sa mère, que Zviaguintsev dévoile le questionnement central du film.
Le film interroge l'échec de transmission des valeurs d'une société à une autre. Car si la grand-mère d'Alyosha accuse sa fille de n'espérait d'elle que son héritage, on se demande bien à quel héritage elle fait référence. Accablée par la misère dans une bâtisse croulante à la campagne, l'héritage financier ou matériel ne semble pas être de mise. Andreï Zviaguintsev montre une société post-communiste égarée, dans laquelle la famille est un endroit de préoccupation constante, de malheur inévitable. L'amour n'existe pas, seul la souffrance et le mensonge par adultère, les jeux de faux-semblants cèdent le pas à l'authenticité relationnel. La disparition d'Alyosha est d'ailleurs anecdotique, elle intervient à la moitié du film, comme un élément ponctuant la dissolution du couple de Zhenya et Boris. Alyocha est absent, il n'existe que par son absence, parce qu'il est un élément problématique dans la séparation du couple. La fin du film adopte ce parti-pris, la séparation du couple n'advient que parce qu'il n'y a plus d'enfant, preuve qu'il n'était qu'une source de problème, un obstacle.
Dans Faute D'Amour, il n'y a pas de transmission, pas d'héritage ni guère d'amour. Le modèle traditionnel de la famille explose. Le foyer familiale n'est qu'un sombre appartement sans lumière que tous les personnages traversent ponctuellement, sans jamais y faire famille. On découvrir pendant les recherches de l'enfant disparu qu'il se réfugiait avec ses amis après l'école à "la base", un ancien bâtiment abandonné dans la forêt. Les décombres de "la base" font écho aux ruines du foyer familiale et le père balloté se retrouvé dépassé par la froideur du lieu.