L’enfance pourrait se résumer, dans bien des cas, comme la confrontation sur la durée au mensonge : celui des parents, qui arrangent la réalité pour rassurer, celui que le jeune être se fait à lui-même lorsqu’il pense comprendre le monde, qu’il l’imagine ou qu’il se projette dans l’avenir.
Felicita prend à bras le corps cette thématique dans le portrait qu’il fait d’une jeune gamine qui, dans un parcours un peu chaotique, recourt régulièrement à un casque anti-bruit pour cohabiter avec les voies de traverses poétiques, personnifiées par un astronaute qui accompagne sa solitude. Cet arrangement avec la vérité est pourtant le plus innocent de ceux qui baignent son existence, dans la mesure où ses parents ont fait du mensonge un véritable mode d’existence, entre la cavale du père et l’emprunt de la maison dans laquelle ils squattent.
Le faux qui sature le récit, dès la première séquence assez hilarante qui voit le père faire une grande annonce à sa fille, semble avoir été érigé comme un art de vivre, et permet une série de retournements de situation qui maintiendront savamment l’attention sur ces 24h resserrées en 80 minutes. Qu’importe, dès lors, si tout n’est pas tellement crédible, et si les ressorts du romanesque peuvent se révéler un brin poussifs : dans ce périple vers un jour de rentrée, les péripéties importent moins que les pauses qui les font respirer.
La différence d’un trio qui n’habite pas le monde comme les autres occasionne ainsi une odyssée par tentatives et ponctuels points d’ancrage : une maison, dans laquelle le chien serait en faïence, un doudou qui se transforme en quête presque épique, un cartable comme symbole d’une hypothétique intégration. Si l’immaturité parentale prête à sourire, elle aura toujours son contrepoint dans le regard d’une enfant qui cherche à définir sa place, comprenant mieux que ses ainés qu’une part de contrainte semble indispensable à l’expérience réelle de la liberté. Et c’est dans cette composition complexe que se jouera la vérité initiatique, lors de scènes récurrentes où le trio « refait la prise » pour correspondre au langage si séduisant de la publicité lorsqu’elle vend le bonheur des individus : passer par le jeu pour honorer l’intense banalité de l’amour entre les êtres.