Le monde hétérosexuel est dépravé et ennuyeux

Female Trouble est, comme la plupart des films de John Waters, une comédie underground et trash.

Dawn Devenport, adolescente rebelle, s'enfuit de la maison à Noël lorsque ses parents refusent de lui offrir des chaussures de cha-cha (j'avoue c'est chaud). S’en suit alors un parcours chaotique et trash, durant lequel Dawn vivra une vie de voleuse, de strip-teaseuse, de mère abusive, le tout couronné par un désir pathologique de célébrité. Très sûre d’elle, elle souhaite percer dans le show-business, et son succès auprès d’un couple de photographe signe le début d'une exquise descente aux enfers, autant pour elle que pour le téléspectateur. Entre viol, vol, sexes en gros plans, inceste et meurtre, John Waters souhaite clairement choquer son audience, ou plutôt comme il l’affirme lui-même, les « hippies ». Le film est drôle cependant, tout est too much; l’esthétique camp extrêmement kitsch, aussi bien dans les décors que dans les costumes, nous rappelle que le réalisateur est lui-même un outsider. Female Trouble est une comédie noire, obscène et absurde mais dans le bon sens (du moins je crois), et qui colle très bien à son thème « crime is beauty ». Les couleurs sont flashy, et les personnages sont définitivement et résolument queer.


John Waters est très lucide sur son style et n'hésite pas à en assumer la glauquitude: : « Les personnages gays de mes films ont des problèmes. Je complique les choses ; seulement gay c’est trop simple. ». Ceci explique donc cela. Les personnages sont en effet tous complètement tarés. Mention spéciale toutefois à l’acteur/actrice principal/e, Divine, drag queen qui joue à la fois Dawn Devenport mais également son violeur et le père de sa fille; Earl Peterson. John Waters aurait écrit ce rôle spécialement pour lui/elle, et on peut dire qu'il a eu bien raison.


Le réalisateur se plaît à jouer avec les clichés de la culture gay et à s’en moquer gentiment, c’est du moins ce qu’il affirme. C’est pourquoi on trouve notamment dans Female Trouble une scène dans laquelle une tante essaie de forcer son neveu à être gay, avec comme argument que « le monde hétérosexuel est dépravé et ennuyeux ». John Waters a voulu ici se moquer des films de coming out, thème très fréquent, peut-être trop fréquent, dans le cinéma queer à ses débuts.


L’aspect délicieusement scandaleux de ce film est très représentatif du cinéma de John Waters ; il s’agit de bousculer, le temps d’une heure et demi, les mentalités et les normes de genre. Tous les moyens sont bons pour choquer : des pénis et des vulves en gros plan ou encore des scènes de cunnilingus assez explicites. Vous allez me dire ça va c'est que du cul, certes. Mais John ne laisse pas sa part aux chiens en matière de crimes ignobles, et tout y passe: un kidnapping, un infanticide, une séquestration; le but étant de faire de Dawn Devenport l’être vivant le plus ignoble possible. Défi réussi puisque l’on se retrouve avec une femme persuadée que le crime à outrance et le fait d’être défigurée à l’acide lui apportera encore plus de beauté.
Notons aussi que le film met en scène deux femmes en dehors de tout standard de beauté, grosses et bien dans leur peau, n’hésitant pas à porter des tenues moulantes très peu saillantes et à se sentir sexy. Sans retenue et sans tact, John Waters met en scène le pire au service du beau, et le mélange est détonnant.


Le film n’est pas vraiment intemporel toutefois, quelques passages sont un peu longs et toutes les horreurs ne sont pas vraiment justifiées et n'ont pas su trouver leur chemin jusqu'à mon cœur de babtou fragile. J’ai eu quelques difficultés à regarder certaines scènes, ce qui montre peut-être cela dit que ce coquinou de John Waters a très bien réussi son coup.
Rappelons que John Waters a initialement dédié son film à la Manson Family, secte dont le gourou Charles Manson, manipula des jeunes femmes pour en faire des tueuses froides et sans pitié, et perpétra ainsi sept meurtres plutôt extrêmement sanglants. John Waters s’est plus tard excusé pour cette dédicace pas très Charlie. Le mec donc est à peine glauque, loin du papy gâteau avec lequel tu vas pêcher le dimanche et faire des grillades. MAIS dans l'ensemble ce film est une expérience cinématographique à vivre une fois dans sa vie, le malaise est présent et c'est chouette avec du recul.

MargotBulles
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le 16 janv. 2017

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