Le nom du fils
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le 27 janv. 2024
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On a beau répéter que l’objectivité n’a aucun sens à être brandie en critique, il est des situations où elle peut être particulièrement malmenée. Assister au retour au cinéma du géant Mann après 8 ans d’absence n’a rien d’anodin, et pourrait même être considéré comme un événement. Mais les films en demi-teinte de sa fin de carrière, associés à une sortie souillée par la petite lucarne des plateformes gâche déjà sensiblement la fête, et il est certain que Ferrari, pourtant très attendu, ne fera pas office de grand retour du maître.
Difficile de déterminer dans quelle mesure on se retrouve ici face à un film dont les singularités, voire les aspérités, relèvent d’un choix et donc d’un maintien de l’indépendance artistique du cinéaste, ou seraient le résultat de compromis face à ses financeurs. Toujours est-il que Ferrari est un film hybride, qui côtoie la grandeur et frise le ridicule, atteste d’une maîtrise encore vivace tout en s’embourbant dans certaines maladresses assez embarrassantes.
Le pas de côté est déjà assumé dans le choix opéré sur le segment de vie raconté : nous n’aurons pas droit à la sacro-sainte saga hollywoodienne sur la fantastique réussite émaillée de douleurs et de traumatismes : Mann se concentre sur un temps difficile, où la vie privée phagocyte les affaires d’une compagnie au bord du gouffre. La course finale, tant attendue, est en cela moins une trajectoire vers la gloire qu’une ultime chance de survie. La fascination pour la vitesse, l’innovation technologique et l’aérodynamisme est ainsi sans cesse miné par une atmosphère morbide où le deuil, la trahison, la vengeance et le désir de reconnaissance viennent noircir le tableau. La séquence alternée entre la messe et le chrono d’une course d’entraînement cristallise cette tension, que Ferrari porte sur les épaules en homme d’affaire avisé, mais déjà fatigué, épaissi par les douleurs et les accidents de parcours, et devant faire face à une épouse (Penélope Cruz, impressionnante) transformée en furie, et bien décidée à faire basculer sa personnalité médiatique en chant funèbre et shakespearien. L’accent porté sur les jeux d’ombres, la lenteur de certaines scènes (la mère au caveau, par exemple), l’intensité des échanges témoignent ici d’une volonté de sortir des ornières du biopic, et le font souvent avec brio.
Reste évidemment le point sur lequel le spectateur attend le plus de voir Mann à la manœuvre : les courses. Souvent différés, fragmentés dans leurs premières occurrences, ces morceaux de bravoure attestent à chaque fois de la maîtrise du réalisateur, qui trouvera son apogée dans le départ de nuit vers Bologne, jouant des lumières des phares, de l’absence de visibilité et d’un panorama croissant sur l’Italie révélée par l’aube progressive.
Mais les accidents de parcours seront autant ceux du récit que de la mise en scène qui les donne à voir : un excès de ralentis, de travellings compensés, et surtout, un recours désastreux à la CGI qui vient saborder le climax. À l’image de ces éléments qui ne passent pas - une répétition trop fréquente des allées et venues entre privé et public, une imagerie de l’Italie qui dans certaines séquences relève davantage de la publicité pour ses produits locaux que d’un véritable geste de cinéma, cette idée toujours aussi saugrenue de donner un accent italien à des acteurs qui parlent anglais…, le film ploie sous les concessions, ou les mauvais choix. La course vers la gloire gâchée par la sortie de piste résume finalement bien toute cette entreprise, où un boss un peu fatigué, mais toujours aussi talentueux, dirige tant bien que mal toute son écurie jusqu’à la ligne d’arrivée, la tête ailleurs et encombrée par d’autres soucis.
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le 8 mars 2024
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