La boxe, c'est de la danse, et "Fighter" rend plutôt bien l'aspect laborieux de la discipline. Les séances d'entraînement, même si elles auraient gagné à être approfondies, montrent l'importance du tempo, du mouvement. Répéter les mêmes gestes, encore et encore, jusqu'à les rendre parfaits de fluidité et d'efficacité. Loin, très loin des "Rocky" ou "Raging Bull", dans lesquels les hommes frappent comme des sourds en ne comptant que sur la puissance physique pour faire tomber l'adversaire.

La boxe, c'est de la danse, et les acteurs font de leur mieux pour éviter la fausse note. A ma gauche, le sobre Wahlberg se démène pour sortir de l'ombre d'un demi-frère autrefois gloire du quartier. A ma droite, l'exubérant Bale, frangin dominateur et dopé jusqu'aux yeux, n'en peut plus d'écraser son cadet d'amour et de rancoeur. Il flotte et virevolte dans un étonnant mimétisme avec le vrai Dicky Eklund, quand le jeunot reste solide sur ses pieds et encaisse sur le ring comme dans la vie en attendant de trouver la parade. Micky Ward est un boxeur statique, patient et appliqué, alors que son aîné a tout misé sur le jeu de jambes, la vitesse et la flambe, quitte à exploser en vol.

La boxe, c'est de la danse, et la vie de Micky se résume à une longue et douloureuse valse-hésitation: il est incapable d'imposer son rythme à une famille de harpies qui n'imagine pas rester dans les cordes; il est toujours à contretemps dans le slow qu'il mène entre deux swings avec une jolie barmaid qui voudrait bien le tirer de ce merdier; et c'est sans conviction qu'il tente de mettre un terme au sinistre pas-de-deux engagé depuis des années avec Dicky.

La boxe, c'est de la danse, mais malheureusement, le film remporte sans effort le titre WTF de la BO bâclée qui gâche un bel objet, et fait perdre un point à la note donnée par l'arbitre. La musique est lourdingue et sursignifiante à tel point que c'est à se demander si ledit Michael Brook, qui était sur le dossier, ne s'est pas brusquement souvenu la veille de la première qu'il avait un devoir à rendre.

Jab, crochet et uppercut du "compositeur" tout en finesse:
-Micky est triste, il a perdu, il est paumé, et Dicky se shoote pour faire passer la pilule: hop, "Strip My Mind", des horribles Red Hot Chili Peppers.
-Micky s'est rabiboché avec son frère, il reprend sa vie en main et recommence à s'entraîner: zou, "Back in the Saddle", des affreux Aerosmith.
-Micky a gagné son match, il est trop content, c'est lui le plus fort: paf, "Glory & Consequence", du pénible Ben Harper.

Tout ça au milieu d'une bouillie sonore qui mêle allègrement et sans trop y réfléchir du plutôt bon jamais audacieux comme du très mauvais toujours agaçant: du Led Zep avec du Whitesnake, du Rolling Stones et du Bee Gees.

Alors on objectera que "Fighter" est une plongée dans le milieu prolo des années 90 et que c'est a priori le genre de musique que les boxeurs affectionnent. Mooooui, sauf que c'est pas parce que t'es pauvre et que tu te prends des coups dans la gueule que t'es obligé d'avoir de la merde dans les oreilles. Au-delà, et surtout, ce gros son qui tache et met KO, ce ne sont pas les protagonistes qui l'écoutent, mais bien les spectateurs qui le subissent.

La boxe, c'est de la danse, et c'est justement pourquoi il faut parfois savoir prendre des gants et faire preuve d'un peu plus de subtilité.


Jérôme
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le 20 mars 2011

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