Bien qu'on le connaisse universellement pour son pied, celui-là même qui laissa la fameuse empreinte crénelée sur le sol de notre satellite, accompagnée de la non moins fameuse formule "un petit pas pour l'homme mais un bond de géant pour l'humanité", Armstrong pouvait aussi compter sur un bras qui ne tremblait pas. Et de mains sûres et sereines comme le montrent une multitude de plans du film : ses doigts caressant les mèches de cheveux de sa petite, condamnée, ou bien pianotant en mode survie le tableau de bord d'un engin de mort. Le petit bracelet, objet transitionnel du père en deuil, résume à lui seul cette fonction symbolique de la main. Oui, bras fermes et mains à toutes épreuves témoignent tout au long du film de la force de caractère de ce héros hors-norme. Armstrong le bien nommé donc, mais avec lui toutes les autres têtes brulées de cette fantastique aventure. Et c'est une des choses que l'on retient de cette histoire, ces types qu'on envoyait au casse-pipe n'étaient assurément pas du genre mauviette.
En s'intéressant au plus célèbre d'entre-eux, le réalisateur dresse le portrait d'un aventurier dont le courage le dispute à la témérité, mais dont le caractère aussi taiseux que taciturne nous éloigne fort du sémillant Sam Shepard de Philipp Kaufman (l’Étoffe des héros) ou du décontracte "what else" George Clooney de Gravity auxquels le cinéma américain nous avait habitué. Damien Chazelle, comme dans ses précédents films, cherche longuement à exposer les forces et faiblesses de ses personnages, de leur petite histoire quitte à laisser délibérément de côté la grande Histoire, en l’occurrence la dimension politique de cette conquête spatiale. Ainsi, Gagarine, Kennedy et compagnie ne sont qu'à peine évoqués, le film se focalisant essentiellement sur la figure du First Man. Et le portrait de ce héros taciturne, un peu lunaire pour la mélancolie, un peu martien pour le sang-froid est très réussi.
Mais si le film monte en puissance une heure-et-demie durant à la faveur d'un énergique décollage et d'une première ligne droite qui nous cloue au fauteuil, on ressent aux deux tiers du "voyage" comme un état d'apesanteur scénaristique. La partie immergée de l'histoire - et la plus intéressante - a été traitée et ne reste plus qu'à revivre par procuration celle que nous connaissons déjà tous : la fusée Saturn V, la mission Apollo 11, le pied d'Armstrong et les sauts de cabri d'Aldrin faisant le buzz avant l'heure.
Pour autant, cette expédition vers la la Lune à laquelle Damien Chazelle nous convie est passionnante et nous aurions bien tort de bouder notre plaisir.
Alors comme ces dizaines de millions de spectateurs en 1969 face au spectacle de cette lune enfin décrochée, réjouissons-nous.
A l'unisson.
8/10