- Maman ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Quoi...?
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Rien... Rien. Ton père va aller sur la lune.
- D'accord... Je peux aller jouer dehors ?
J'aurais voulu résumer ma critique à cette citation, tirée d'une scène du film qui à mon sens résume presque parfaitement la démarche de Damien Chazelle. J'essaierai donc de faire court.
First Man retrace, tout en retenue et en sobriété (d'effets - puisque le film ne fait appel à aucune image de synthèse - comme d'écriture), principalement du point de vue de Neil Armstrong, la décennie qui précède le premier alunissage réussi de l'humanité. Ryan Gosling - parfait dans le rôle - et ses camarades - le casting est excellent - sont filmés caméra à l'épaule et essentiellement en plans serrés, pour un point de vue puissamment immersif, d'une efficacité d'autant plus redoutable qu'elle devient une expérience partagée avec l'acteur. Un soin particulier a été apporté à restituer le fossé qui se creuse petit à petit entre l'état d'esprit de ceux qui travaillent sur le projet (en raison du travail, des sacrifices, du coût humain...) et celui de leurs familles, de leurs concitoyens, jusqu'aux membres du gouvernement qui finance cette "folie" ; le jeu des acteurs, sur ce choix comme sur tous les autres, fait honneur à l'écriture.
Le refus de faire appel à l'image de synthèse élevait de beaucoup pour Damien Chazelle la rigueur dont il devait faire preuve pour un rendu crédible : il n'est pas seulement crédible, il est bluffant. Un montage impeccable, combiné à l'ambiance sonore et au travail de Justin Hurwitz - dont les compositions sont superbement mises en valeur - porte la mise en scène à des hauteurs auxquelles je ne m'attendais sincèrement pas. Rien n'est en trop, l'intégralité du film est d'une justesse épatante du début à la fin. La dernière scène, très belle dans sa pudeur, s'achève au moment précis où j'ai pensé : "Le film doit absolument s'arrêter là pour que ce soit parfait", juste avant que le générique s'affiche comme pour m'accorder cette requête intime.
En ce qui concerne le réalisme, je laisse cet aspect à ceux qui ont dressé le parallèle avec les faits, témoignages et compte-rendus de la NASA et, pour ce qui est du point de vue de l'astronaute, à Thomas Pesquet le soin d'en parler. La controverse qui a entouré la très remarquée "absence" du drapeau américain ne mérite d'être évoquée que pour souligner le ridicule qui la caractérise.
Superbe.