Forces spéciales par Anfalmyr
Le jour où j'ai appris qu'un film sur les forces spéciales françaises contemporaines était en chantier, j'étais content. Je me suis dit "ah enfin on va parler des héros de l'ombre, on arrive enfin dans une époque où on peut s'autoriser à être fier de nous, de nos gars". Quand l'équipe du film s'est entraînée auprès des véritables commandos de marine, mes sources m'ont rassuré en me parlant de l'envie qui animait les acteurs, et la passion du réalisateur, attaché à donner à son film l'ambiance de groupe qui fait toute la force de ces frères d'armes. Ces mêmes sources qui, ayant vu le film bien avant tout le monde, ont été soulagées de voir que, même s'il n'était pas ultra fidèle à la réalité, le film Forces Spéciales parvenait à toucher la sincérité de cette réalité. Et quand le film est sorti à Paris, il s'est fait défoncé. On l'a traité de film de propagande, d'extrême droite.. Pourquoi? Parce qu'il ne tirait pas à boulet rouge sur l'armée. Donc je suis allé voir Forces Spéciales.
L'histoire de Forces Spéciales c'est un peu la réalité qui croise la narration du film Les Larmes du Soleil. Une journaliste est enlevée en Afghanistan et séquestrée au Pakistan. Immédiatement, un groupe de forces spéciales réunissant les meilleurs des différents corps d'armée est mis sur pied et envoyé en tant qu'observateur. Mais la vie de la journaliste est subitement mise en danger, imposant au commando d'intervenir immédiatement. De là se lance une chasse à l'homme dans les montagnes afghanes, où six "cdo" vont risquer leur vie pour en sauver une...
Quand je dis que la réalité croise le film avec Bruce Willis et Monica "mylove" Bellucci, c'est plus ou moins vrai. Déjà Diane Kruger n'a pas les formes voluptueuses de la belle italienne, et niveau réalité, c'est une réalité très fictionnée. Je m'explique: Pour un total néophyte, le film ne sera pas perturbant point de vue crédibilité et fidélité de la vraie vie véritable. Mais seulement pour un néophyte. Car il faut l'avouer, Stephane Rybojad a pris quelques libertés, et a fait quelques entorses à la sacrosainte véracité des faits. Premièrement, un commando de six hommes issus de différents corps d'armée, ça n'existe pas. Les Forces Spéciales ne partent pas dans une mission pareille à six, et forment encore moins une salade de commandos. Mélanger les bannières c'est surtout pour faire plaisir à tout le monde et proposer un panorama des forces spéciales sans avoir besoin de faire des allers et retours dans l'intrigue. Là, on réunit tout le monde, et basta.
De plus, tout au long du film, l'amateur avisé pourra tiquer sur certains choix scénaristiques, qui ne collent pas avec la réalité. Au final, Forces Spéciales n'est pas un docu-fiction sur les commandos en Afghanistan, et il faut bien le comprendre. Stephane Rybojad a voulu faire son Les Larmes du Soleil.
Le film entame très (trop?) vite les festivités, avec la libération éclair de la journaliste. L'occasion de voir des acteurs à fond dedans, avec un respect et une justesse des gestes et pratiques vraiment agréable à voir. Les acteurs sont tellement bien préparés, que le seul véritable commando du groupe, Marius, est le seul à paraitre le moins convainquant dans ces phases là. Comme quoi, être acteur, c'est un métier. Et en parlant d'acteurs, je dois dire que le casting est assez impressionnant. Benoit Magimel, Denis Menochet, Djimon Hounsou, Alain Figlarz (que j'ai surkiffé dans le film), Raphaël Personnaz.... C'est un casting de gueules, de voix. Rajoutez à cela La belle Kruger, Tcheky Karyo, ou encore l'impressionnant Raz Degan, et on se retrouve avec une brochette d'acteurs confirmés et solides pour tenir ce fillm d'action. Mais plus que les noms, ce qui fait plaisir à voir c'est que ce groupe en est un. On ressent dans le film la même camaraderie qu'en vraie. Une fraternité faite de vannes, de chambrage, d'ironie... Alors peut être que certaines personnes trouveront les dialogues débiles, mal fichus... Mais quand on sait de quoi il en retourne réellement, on les trouve justes, bien amenés, et plus que tout, crédibles.
Côté réal', il faut dire que Rybojad a de l'expérience dans le clip et la pub, et ça se voit dans le film. C'est un technicien de l'image, il fait de beaux panoramas, de jolis plans d'ensemble.. Non techniquement le film est très propre. Mais on ressent clairement un manque dans les scènes d'actions, les gunfights.. C'est souvent du champs/contre-champs un peu fade. On voit des gens tirer, puis des gens tirer, et on voit des gens tomber par terre. Voilà si j'ai un reproche à faire à la réal', c'est principalement sur un manque d'inventivité et de variété dans une partie importante d'un film d'action, les gunfights. L'autre soucis principal vient du montage. Le film a été coupé à la serpe, et parfois c'est hyper flagrant. On sent qu'il manque des bouts de scène, voir des scènes entières. En résultent de malheureuses incohérences, des "euuh j'ai raté un truc là??" qui sortent d'un coup. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais j'ai l'impression que le film devait durer à la base 2h30 et qu'on l'a réduit "comme on peut" à 1h47.
Larmes du Soleil oblige, on s'attend évidemment à ce que le commando n'arrive pas complet à la fin, et forcément on ne déroge pas à la règle. Chacun se fera sa propre idée de la qualité de cette partie, de son rythme.. Moi j'ai trouvé que l'hécatombe était un peu trop prononcée, mais c'est aussi en rapport avec le montage je pense. Car malgré tout, il y a par exemple une mort qui est vraiment, très impressionnante. Brutale, expéditive, sans violon. Et cette mort là est une grosse claque à prendre en pleine salle. Le public réagit de la même façon, choqué et pris au vif. La réal' sur cette scène est également exemplaire, tout comme les dialogues. C'est un peu ce que je retiens de Forces Spéciales : malgré plein de petites maladresses, certains moments sont très réussis et valent vraiment le coup.
Mais maintenant, parlons un peu de tout ce qui entoure le film. C'est vrai, à lire la critique, c'est un film facho. Point. Même pas besoin d'en discuter en tant que film, de le critiquer pour ce qu'il propose. Non. Ici on lui chie dessus par a priori. C'est juste dingue de se dire qu'en France, on ne peut pas faire un film sur l'armée française si ce film n'est pas à charge. C'est renversant. Pourquoi vouloir à tout prix cultiver le dégout de son propre pays? Pourquoi ne pas s'autoriser le temps d'un film à remercier des hommes et des femmes qui risquent leur vie pour protéger les intérêts de notre pays, à sauver des civiles, qu'ils soient journalistes ou non... La proximité de ce film avec L'Ordre et la Morale de Kassovitz est juste parfaite, car elle permet de voir à quel point aujourd'hui on juge un film sur l'armée sur son message et son discours politique, et non sur ce qu'il est fondamentalement : un film. Depuis Indigènes il faut se rendre compte qu'un soldat français doit être représenté au cinéma comme un connard facho et inculte. Si vous sortez de cette ligne, vous vous faites démonter par des gens dont la connaissance de la guerre se limite à peau de zob.
Car moi, Forces Spéciales, je ne le trouve pas facho. Je le trouve même, bien trop gentil. Rybojad a du sentir qu'on allait lui chier dessus, car il multiplie dans le film les répliques complaisantes. "On fait pas de politique", "On est là pour vous sauver, par pour vous juger", et même, le must, lorsque le sniper tire sur des talibans pour sauver sa peau, il prend le temps de dire " Vous avez aussi peur que moi, et le pire c'est que jvous déteste même pas.." Non mais sérieux? Si ça c'est pas sentir l'opprobre pointer le bout de sa truffe, j'ai rien compris à la vie alors. Mais je trouve le film également trop gentil sur la relation entre les soldats, les politiques, et les journalistes. Evidemment les commandos ne font pas de politique, ils servent un pays et non un parti politique. Mais faut pas se leurrer, les politiques donnent des directives, fournissent les moyens... Et on ne retrouve pas cette ambiance du "tu m'emmerdes mais jdois faire ce que tu me dis" dans les scènes entre les politiques et la chaine de commandement. Il en est de même, voir bien plus, pour les journalistes. Quand on voit dans le cas Ghesquière et Taponier à quel point la presse a pesé sur les décisions politiques, qui ont pesé sur les forces spéciales, pour qu'au final on entende les deux journalistes dire "La France n'a pas fait assez pour notre Libération"... C'est juste dingue, parce que si ce que je sais de cette affaire était ne serait-ce qu'une fois diffusé dans la presse généraliste, on verrait ces deux survivants légèrement différemment, et surtout on aurait un peu plus de respect pour les hommes qui ont donné leur vie pour eux.. Voilà pourquoi je trouve qu'on aurait pu aller beaucoup plus loin entre le journal de Kruger qui défonce les choix politiques et militaires, pendant que Kruger, elle, vit au jour le jour avec des hommes qui n'ont qu'un but, la sortir de ce merdier.
Maladroit à bien des niveaux, crédible sans être réaliste, Force Spéciale n'est pas le film d'action de l'année, mais il n'en est pas pour autant un mauvais film. C'est un film efficace, un bon film sans autre prétention que de nous donner un aperçu d'un monde dont on ne parle jamais, à qui on ne rend jamais hommage. Ces hommes de l'ombre qui font tant pour nous méritaient qu'on prenne 1h47 pour partir en mission avec eux. Ce n'est pas un film facho, ni un film de propagande, même pas un film engagé; c'est un film d'action français qui se passe dans le milieu des forces spéciales françaises. S'il y a bien quelque chose de sûr là dedans, c'est qu'il ne mérite pas ce lynchage. Et à force ça commence à me désoler, car avec une mentalité pareille, la France rejette de plus en plus son cinéma de genre, qui pourtant marche à l'étranger. Cette exception française commence vraiment à me filer la gerbe.