Après l'âge d'or du film de sabre de la Shaw Brothers des années 60/70, le genre a fini par désintéresser le public avant de revenir en force début 90 avec une inventivité et une modernité rafraîchissante.
C'est alors qu'une nouvelle pelleté de Wu Xia émergèrent par dizaine, souvent par pur opportunisme.
Voilà donc que Daniel Lee, un petit rien du tout, décide de nous pondre un des meilleurs Wu Xia Pian de sa génération.


Histoire de vengeance teintée de romantisme, de dilemmes, de trahison et de poésie... Sur le papier, Frères d'Armes ne s'avère pas très original tant ces thématiques ont déjà été abordées 1000 fois, même 30ans auparavant.
Cependant, le film dans son exécution s'éloigne beaucoup des Shaw Brothers pour se rapprocher plus significativement d'une œuvre plus personnelle et métaphorique à la The Sword de Patrick Tam.
Un ton particulièrement dépressif, à la limite du fatalisme. Une violence plus morale que physique. Et surtout un lyrisme froid, une douce beauté mélancolique.


Même si le scénario reste assez classique, c'est dans l'exécution que le film atteint sa dimension tragique si efficace.
Ces moments portés par une mise en scène très inspirée et poétique.
Comme le maître qui retrouve espoir en discutant avec le fantôme de sa femme, avant de la faire danser au fil de ses enchaînements d'épée faisant siffler l'air.
Ou encore cette fantastique scène de combat, tragique au possible, résultant un parricide crève cœur. Un combat rythmé sur un parallèle purement cauchemardesque ou le grand méchant contemple une danse macabre sous forme de possession alors qu'il tremble et vomit son alcool les larmes aux yeux... Complètement fou, mais génial.
Ces moments de tragédie pure, bordés de symbolisme et de philosophie servent à développer ces personnages : des personnages tragiques, tous magnifiquement interpretés. On soulignera bien évidemment David Chiang, toujours magistral dans un rôle plus mur et plus sage qu'à sa grande époque.
Norman Chu, toujours excellent en méchant, dont le jeu réussit à rendre un personnage profondément mauvais attachant (si si).
Et sans oublier Damian Lau, fantastique dans son rôle de traître désabusé et profondément malheureux.


Mon dieu ces personnages... Outre le délire évidemment méta de faire jouer dans le film des acteurs légendaires de Wu Xia Pian dans des rôles plus tragiques et sombres, c'est surtout de par leur écriture toute en nuance et en retenu qui rend le tout aussi crédible. On regrettera cependant que le personnage de Jack Kao soit assez effacé, ainsi que le manque de charisme de Wu Hsing-kuo, parfaitement convaincant mais faisant naturellement pâle figure face à ses aînés.


Une œuvre moderne, immensément dramatique. Délaissant le côté épique pour la tragédie. Un romantisme plus délicat et sobre qu'un Chang Cheh.
Une violence intérieure et un symbolisme semblable aux œuvres de la nouvelle vague.
Des combats à l'image saccadée à la Wong Kar Wai (qui sortira la même année son Wu Xia Pian, pas de hasard).
Une œuvre aux multiples références, mais qui arrive à garder une identité propre.
Une excellente surprise qui offre plusieurs niveaux de lecture et qui fascine encore longtemps après le visionnage.


Ps : il est important de dire quelques mots sur son titre international. Non, le film n'est pas un remake d'un des films du Sabreur Manchot. Il n'a même rien à voir avec la saga. Il est évidemment que ce tire fut choisi à des fins purement commerciales, et mise à part David Chiang, il est impossible d'y voir un quelconque lien entre ces différentes œuvres. On sent d'ailleurs que la scène finale a été forcée dans le but de justifier le titre, pas subtil, dommage...


En réalité The New One Armed Swordsman 94 n'est pas une relecture de la trilogie du Sabreur Manchot en particulier, mais plutôt du Wu Xia en général. Plus moderne, plus réaliste, plus triste aussi, et plus profond.

Sacré_vandale
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le 23 nov. 2020

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Sacré_vandale

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