Pour une raison inconnue, j'ai toujours été fasciné par l'histoire de Jack L'Eventreur. Peut-être parce que son identité n'a jamais été dévoilée, ce qui laisse ouvert un nombre infini de suppositions. Peut-être parce qu'il est très révélateur d'une époque particulière, cette Angleterre victorienne qui voulait se donner une apparence de stricte morale mais qui laissait se dégrader des quartiers entiers comme Whitechapel. Peut-être parce qu'il est l'un des premiers serial killer et l'annonce d'un nouveau type de meurtriers (à supposer qu'il n'y ait pas eu de serial killer avant lui).
J'avais tenté de lire la bande dess... pardon : le "roman graphique" (?) d'Allan Moore, mais j'avais vite abandonné : trop sombre, trop glauque, trop désespérant (trop mal dessiné itou). J'avais mis quelques espoirs dans ce film.
Ils ont été vite déçus.
Je crois pouvoir dire que je ne suis jamais entré dans le film. Rien en moi ne s'est accroché à quoi que ce soit ici.
Les cinéastes ont d'abord, visiblement, voulu faire des efforts dans la reconstitution du quartier, pour instaurer une ambiance angoissante avant même l'arrivée du tueur. Raté ! Les décors sentent le préfabriqué, les lumières et les couleurs ne paraissent pas naturelles un seul instant, même les figurants sont dirigés comme des pieds. Bref : immersion dans l'Angleterre victorienne : 0 point.
Pour surprendre et déstabiliser le spectateur, les frangins Hughes ont décidé d'avoir recours à des effets choc. Lumières verdâtres, sang qui gicle, flashs lumineux et montage brutal. Le résultat ne fait qu'apporter de la laideur au film. Non seulement c'est artificiel, mais en plus c'est moche.
Raccrochons-nous alors à ce qui paraît être des valeurs sûres : l'interprétation. Les actrices qui tiennent le rôle des prostituées sont plutôt bonnes. J'aime particulièrement leur accent cockney, toujours doux à mes oreilles. Mais tout, dans leur jeu, les font passer pour de dignes habitantes de ces quartiers pauvres de la capitale britannique. Elles constituent l'attrait principal (unique ?) de ce film.
Par contre, je n'en dirais pas autant des interprètes masculins. Si Robbie Coltrane est impeccable, Johnny Depp n'en fait pas assez et Ian Holm en fait trop. L'un comme l'autre sont à la limite de sombrer dans le ridicule.
Il faut dire que le personnage incarné par Johnny Depp n'est pas un cadeau : inspecteur de police opiomane qui résoud les enquêtes grâce à des visions qu'il a lorsqu'il se drogue ! Rien que ça !
Alors, on voudrait nous la jouer sur le mode "flic et bad guy", personnage à mi-chemin entre le légal et l'illégal. Mais, là aussi, c'est amené avec de tels sabots, une telle lourdeur, que ça devient soit indigeste, soit risible, selon les spectateurs.
Le film se perd à force de vouloir être novateur. Il se perd aussi parce qu'il veut trop en faire : enquête criminelle, horreur, suspense, sociologie historique, portrait d'un monde en train de basculer dans le XXème siècle, le scénario court trop de lièvres en même temps. Trop long, mal filmé, sans le moindre sens du rythme, avec une esthétique flashy et une enquête illogique, voilà une belle occasion de manquée.