"Une photographie est un secret à propos d’un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en saurez"
Fur est une oeuvre visuelle déroutante et incongrue car elle traite avant tout que partiellement son sujet, Steven Shainberg nous dresse ici un portrait fictif de la célèbre photographe Diane Arbus, des années 50 fascinée par les marginaux en tous genres. Il imagine donc les circonstances qui ont pu être celles de la prise de conscience d'Arbus pour sa vocation.
Ici on retrouve des variations sur les thèmes de la frustration, de la normalité, du fétichisme et de la fascination pour l'autre. Si la filiation avec son précédent film, "La secrétaire", est évidente, l'exercice se révèle nettement moins brillant mais reste suffisamment intéressant pour captiver l'attention du spectateur. Une connaissance même superficielle du travail d'Arbus permet de croire en la crédibilité de ce qui est montré et de comprendre les choix du réalisateur.
Tout commence comme une énigme qui frappe à la porte ; l'inconscient grondant derrière les murs du foyer familial idéale. Arbus, mère et épouse idéale, dans un décor mental lisse et sans aspérité, dans l'ombre d'un mari égocentrique et plastique dans son art, s'éprendra d'une créature digne de l'imagination de Cocteau du nom de Lionel son mystérieux voisin ( joué par Robert Downey Jr, peu inconnu à l'époque et qui pourtant montré déjà un talent dramatique fantastique !) atteint d'une maladie génétique très rare qui recouvre son visage et tout son corps de longs poils. Plongée comme une Alice , dans le terrier du lapin blanc , vers un monde inconnu, Diane s'émerveillera face à un univers décomplexé, de fantasmes, et marginal et s'en appropria ses codes derrière son objectif photo. Il n'y a pas à dire : la mise en scène et les prises de vue sont tout simplement magnifiques !
Les points négatifs résident surtout dans le déroulement de l'intrigue ; on se perd parfois dans des scènes traînant trop en longueur et dans l'attente de quelque chose de fort. Le jeu manque parfois de punch et d'énergie. On a l'impression que le réalisateur a mis de la réserve , peut être un peu trop dans les scènes et une sorte d'insatisfaction nous reste à la fin du film du à certaines zones d'ombres dans le scénario. Il est certain que ce film est à voir pour l'écriture du scénario et pour l'esthétisme de la mise en scène qui envoient au spectateur beaucoup d'interprétations symboliques : encore une fois , c'est un jeu entre le rêve et le réel. Pour ceux qui chercheraient du sulfureux, de l'action ou un portrait réaliste de l'artiste passez votre chemin ce film ne vous comblera pas.
La magie insolente de Fur réside en son art de percer l’énigme intérieure d’une artiste par les voies détournées du fantasme, traquant comme Arbus la singularité de l’ordinaire, l’extraordinaire du quotidien, celui des portraits d’étranges vieilles, de nudistes, de gueules de cirque et d’anonymes à Central Park. Aidé par la sobriété magnétique du duo Kidman-Downey Jr, Shainberg signe un précieux songe ensorcelant, et inattendu.