Le film commence par une scène dramatique mais filmée sans le moindre pathos. Un couple abandonne une vieille femme en laissant un message : "elle s'appelle Jeanne, je n'ai plus de ressources, AIMEZ-LA". Et voilà Jeanne recueillie par Gaspard et Robinson.
Trois personnages. trois exclus, rejetés par la société. Une retraitée et deux chômeurs, ce sont trois personnes improductives, inutiles dans une société marchande et productiviste.
Gaspard (Gérard Darmon) est séparé de sa femme. Il en reste misanthrope et ne veut que se cacher du reste de l'humanité. A l'inverse, Robinson (Vincent Lindon), orphelin de l’Assistance Publique, est compatissant avec la terre entière et serait prêt à recueillir tous les malheureux. deux personnages qui paraissent incompatibles au premier regard mais qui sont réunis par leur goût de la liberté.
Nos deux garçons restaurent une buvette sur une plage du Gard. Cela leur permet de se tenir éloignés de la foule : pendant une majeure partie du film, on ne voit que les trois personnages principaux, et personne d'autre. A la fois isolés et chez eux. La cabane de rêve.
Une cabane au bord de la mer. Et cette mer, c'est un élément essentiel du film. Une sorte de fil rouge qui unit les personnages. Elle est presque omniprésente dans le film, soit directement, soit indirectement (par le chant des cigales ou une ambiance évidemment méditerranéenne). La plage, une jetée, de la musique flamenco, le décor a son importance, bien sûr. Mais la mer est surtout là pour ce qu'elle veut dire, pour le lien qu'elle crée. Une scène est significative : après une nuit sur la plage, au petit matin, les deux hommes hurlent leur "bonjour" à tous les peuples qui bordent la Méditerranée : "Bonjour les Italiens, bonjour les Marocains"... Scène qui en dit long : nos personnages ne sont pas français, ils sont méditerranéens. La mer représente une nationalité, une appartenance à une culture.
La cabane, c'est aussi tout un monde. Ces exclus revendiquent finalement d'être hors-société, d'être des marginaux, et en profitent pour se reconstruire une société bien à eux. Une société d'exclus qui acceptent de vivre dans une relative liberté. Une vie de bohème dans les années 90.
Il y a un peu de Kusturica là-dedans : une oie et des poules, de la musique gitane, des personnages libres, on se croirait chez le grand cinéaste serbe.
Sauf qu'ici, ça manque de quelque chose. Les interprètes sont formidables, d'autant plus que le film réunit trois acteurs que j'aime particulièrement. En particulier Suzanne Flon, pour qui j'ai une profonde admiration.
Mais le film manque clairement de souffle. Il a tout ce qu'il faut, mais la réalisation n'arrive pas à lui donner des ailes. Le film ne décolle pas vraiment et c'est vraiment dommage.
C'est l'exemple du film auquel j'aurais aimé mettre une meilleure note, mais je vais me cantonner à un 6,5/10.
Par contre, je vais poursuivre la carrière de Tony Gatlif.