Gebo et l'Ombre par Patrick Braganti
Auréolé de ses 103 printemps, qui le placent sur un piédestal dont il est indéboulonnable, le portugais Manoel de Oliveira livre un nouveau film au dispositif minimaliste, où tout se passe à l'intérieur d'une maison, plus précisément autour d'une table (de travail et de réception). Mais ce ne sont pas tant la radicalité de la mise en scène et la liberté presque insolente qui l'accompagne qui gênent ici. Ce sont bien davantage l'indigence du sujet et l'interprétation exécrable des comédiens qui irritent. Les longues tirades pour le coup très théâtrales ne servent qu'à proférer des thèses oiseuses et incompréhensibles pour qui ne possède pas un minimum de connaissances sur la culture lusitanienne et le jeu des acteurs, mis à part Michaël Lonsdale dont la voix doucereuse a au moins le mérite de nous bercer, sinon de nous endormir, se révèle catastrophique. Les jeux sonnent faux et ampoulés, nullement favorisés par l'emploi de la langue française. Le jeune acteur qui joue le rôle du fils félon paraît ne pas comprendre un traître mot de ses répliques. Tout cela sent la naphtaline et l'artifice et réussit à être aussi bien du mauvais théâtre que du cinéma totalement dépourvu des qualités inhérentes à son art. On finit même par se moquer de cette histoire pourtant tragique, ne réussissant jamais à prendre au sérieux les additions laborieuses du vieux Gebo, sage et matois, ni l'appât du gain à peine dissimulé de la vieille visiteuse. Un bel éclairage et une photographie incontestablement soignée ne peuvent sauver du naufrage ce pensum creux et ennuyeux..