Premier long-métrage de Wajda (Danton, L'Homme de fer, Katyn), Génération/Pokolenie suit le parcours d'un polonais rejoignant la jeunesse communiste armée à Varsovie, pendant l'occupation allemande. Son aventure est d'abord personnelle et hasardeuse, motivée par le désir de se rapprocher de Dorota, avant de se muer en engagement conscient et conséquent. Wajda livre une représentation à la fois politique et existentialiste de la génération dont il fait partie, en jetant l’œil dans le rétro : dix ans avant, lorsqu'elle était encore la nouvelle. Le point de vue est romantique et en contradiction avec l'idéalisme et l'optimisme courant dans le cinéma d'Europe de l'Ouest à cette période ; les partis-pris du film sont signés par son formalisme exigeant, le matériel critique étant faible et tenu à un rôle décoratif (bien que significatif).
Comme Ils aimaient la vie qui suivra, Pokolenie est le récit d'un échec, mais les différences sont importantes : il n'est pas annoncé d'emblée et surtout il n'est pas univoque. La tragédie est resserrée sur quelques individus, l'Histoire et les chances de sursaut restent sauves. Déjà la langue de Wajda est symbolique, hyperbolique, les compositions sont 'lourdes' et raffinées ; c'est parfois au point de dévorer le reste, c'est le cas dans ce Génération (nommé aussi parfois 'Une fille a parlé'). Narré au rythme des foucades de ses personnages et des urgences de leur organisation, le film peut sembler décousu car il communique de façon trop artificielle les états émotionnels en cours. Wajda sait raconter la fièvre, représenter des menaces, souvent mieux qu'il ne les donne à vivre ou à cerner ; comme ses jeunes acteurs très guindés l'indiquent, Génération manque de chair et d'énergie sincère.
Le comédien principal est une sorte de sous-James Stewart auquel on a collé des névroses d'aspirant dandy ; ses camarades lui font concurrence pour remporter le titre de belle gueule fade [et sourcilleuse] quoique cinégénique (Polanski dans son petit rôle -il a 19 ans et fait moins- fait exception ; c'est le plus fébrile et paumé de la bande). Cependant l'inventivité de la mise en scène de Wajda, les qualités de la photographie et la quête de 'moments parfaits' rendent la séance presque intense malgré son âpreté. Génération est un bon exemple de film où le perfectionnisme et la préférence pour la passion font ménage en se limitant l'un l'autre. Wajda étoffera son art dans les deux opus suivants, où le même contexte sera au programme (la guerre, la résistance et les perspectives d'avenirs pour soi, pour la Pologne et pour un monde 'libre') : l'ouragan triste Cendres et diamant, un Kanal au poison mélancolique.
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