La très grande force du film réside dans la conversion cinématographique d’une expérience individuelle et autobiographique en énergie humaine capable de célébrer l’homme dans sa diversité fondamentale. Prendre un ingénu en guise de personnage principal évoque les récits d’apprentissage que la littérature du XIXe siècle appréciait tant, dans la mesure où lui seul était capable de porter un regard a priori neutre – c’est-à-dire dénué de toute grille idéologique – sur la société et ses constantes révolutions. Et inscrire ce jeune Russe déraciné dans une ville américaine bien délimitée et à l’identité forte, en l’occurrence Milwaukee, elle-même confrontée à des troubles, c’est chanter ce qu’est l’Amérique, en somme : une terre d’intégration où la cohabitation entre les différentes cultures occasionne une grande violence, mais permet surtout la communion de personnes là par hasard mais rassemblés par choix. Give Me Liberty narre une émancipation – comme l’indique son titre – qui semble gagner notre héros en guise de clausule, l’émancipation d’un être qui a pris conscience de la différence et l’a acceptée. Et de la même manière qu’il collectionne les vieux vinyles qu’il revivifie à l’aide de deux trois objets bricolés, il symbolise ce carrefour où se répercutent des identités, des expériences, des flux de paroles insatiables qui ont néanmoins une trajectoire similaire : rappeler à quel point la vie est un combat magnifique. Ce van, personnage à part entière, sillonne les immensités désertiques sans que le réalisateur ne s’attarde à en montrer frontalement l’étendue. Nous demeurons avec les protagonistes, nous partageons leur quotidien, leur point de vue. Tantôt drôle tantôt étouffant toujours poignant, le film secoue un je-ne-sais-quoi enfoui au plus profond du spectateur, cette énergie humaine qui le convie à tendre l’oreille pour écouter des histoires, s’émerveiller de dessins, regarder des corps discrédités en raison de leur différence et réunis ici dans une grande fête qu’est l’humain et que porte le cinéma. Give Me Liberty se vit telle une ivresse. Il est, à coup sûr, une expérience artistique des plus magnifiques.