Il arrive de temps à autre que la résurrection d’un genre parvienne à se greffer sur une époque. Le Peplum, si rivé à une certaine idée de l’âge d’or hollywoodien, faisait partie de ces films associés au passé et dont on imaginait mal un retour. Quand Ridley Scott s’y attèle, lui qui sort d’une décennie compliquée (1492 Christophe Colomb, puis Lame de fond et le tristement légendaire GI Jane), on peut au mieux attendre le style pompier qu’il a mis en œuvre pour sa célébration de l’anniversaire de la découverte du Nouveau Monde, et pas grand-chose de plus. Gladiator sera pourtant un véritable succès, et augure, d’une certaine manière, une nouvelle décennie qui verra le retour en force des films épiques, de Pirates des Caraïbes au Seigneur des anneaux, et un nouveau chapitre dans la filmographie du réalisateur qui poursuivra sur ce registre avec Kingdom of Heaven, Robin des bois ou Exodus.


Force est de reconnaitre que ce film possède un grand nombre d’atouts, à commencer par la présence massive de Russel Crowe, héros à la hauteur de ses prédécesseur qui remplit toutes les cases pour s’ériger en modèle admirable : family man et guerrier, puissant et vertueux, il ne déchaîne l’hostilité que par l’excès de ses qualités, dont le miroir inversé sera le terrible Commode incarné avec tout le fiel nécessaire par un Joaquin Phoenix très inspiré.


Autour de cette figure, qui n’épargne aucun cliché propre au cinéma populaire américain (éloge de la famille, ralentis, caresse des hautes herbes pour exalter le home sweet home…) le récit trouve sa force dans la puissance avec laquelle il restitue la violence. Celle de la bataille épique d’ouverture, bien entendu, mais aussi et surtout de la manière dont le héros forge sa légende, dans les combats de corps à corps qui exaltent progressivement des foules grandissantes. De ce point de vue, Gladiator est un film sur le spectacle et son alliance au pouvoir. Ridley Scott saisit très bien la façon dont le souffle grandiose parcourt la masse des spectateurs, et joue à plusieurs reprises de cette ambivalence. La violence, traitée d’une manière évidemment bien plus brute qu’à l’âge d’or du péplum est ainsi un repoussoir fascinant qui donne une ambivalence au protagoniste, tout comme elle épaissit la posture de son pervers antagoniste. Le fracas des corps, le regard sur les blessures donnent ainsi une incarnation nouvelle aux combats, qui trempent les assaillants d’une réelle présence et de la capacité à souffrir.


C’est donc dans l’équilibre que réside la réussite de Gladiator : cette capacité à conjuguer l’intime (les liens entre frères et sœur, homme et femme, père et fils spirituels) et le collectif, la souffrance morale et physique, la brutalité frontale et les envolées lyriques d’Hans Zimmer. La quête de la grandeur passe ainsi de l’empereur au gladiateur, relayée par un cinéaste qui a su la concrétiser : win the crowd.

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le 15 mai 2020

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Sergent_Pepper

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