Langage des dignes
Le nouveau film de Robert Guédiguian, éternel et légitime indigné face à l’injustice sociale, est une fresque fragmentée sur un monde en morceaux. Cela explique sans doute que s’y côtoient des...
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Le nouveau film de Robert Guédiguian, éternel et légitime indigné face à l’injustice sociale, est une fresque fragmentée sur un monde en morceaux. Cela explique sans doute que s’y côtoient des éléments contradictoires, des instants de grâce et des pesanteurs, une naissance et des renoncements, des étincelles et du désespoir.
Le discours est clairement celui du désenchantement, à travers le portrait de deux générations. Celle des ainés, fatigués et revenus de leurs illusions, vivant chichement tout en poursuivant, à l’échelle familiale, l’utopie de la solidarité. Celle des jeunes adultes, face à eux, qui se fourvoie dans un défaitisme mêlé de cynisme, opposant les gagnants se vautrant dans la consommation aux perdants amers et envieux. Le ballet des frustrations est à multiples facettes, et n’échappe pas aux facilités, surtout dans cette ambivalente posture qui voudrait montrer les « mauvais » comme le résultat d’une oppression sociale, sans réellement parvenir à ne pas en faire des caricatures s’embourbant dans le porno, le racisme ou le mépris inhérent aux nouveaux riches.
Le cinéma de Guédiguian est souvent volontairement littéraire : par le jeu un peu récitatif des anciens, par sa clarté naturaliste (ces nombreux plans fixes visant à portraiturer une Marseille décatie), et surtout dans son écriture narrative. Le triangle amoureux des aînés, tout en non-dits et en douceur, se voit repris en écho bien plus cruel et explicite dans la nouvelle génération, pour une intrigue héritée du romanesque du XIXème siècle, où la précipitation et l’entrecroisement des événements sert un peu trop bien la démonstration. On reste un peu dubitatif sur ce programme si savamment annoncé, où la sacrificielle figure du père à la Jean Valjean viendrait opportunément grandir les âmes.
Peut-être pourra-t-on se dire que l’essentiel n’est pas là, même si ces éléments poussifs (méchanceté accrue d’un protagoniste, ralenti poussif et boucle bouclée bien scolairement) empèsent assez l’entreprise générale.
L’essentiel en question réside dans le regard porté sur cet être éponyme, un enfant dont la naissance est rapportée comme un acte sacré (et qui cite le court métrage d’Artavazd Pelechian, Vie , magnifié par une musique qui anticipe et dépasse tous les discours à venir. Au cœur d’un chaos tristement quotidien, dans la mélodie de la résignation, les haïku de l’ancien détenu figent, par discrètes fulgurances, ce qui reste à sauver. – En ce monde nous marchons / Sur le toit de l’enfer / Et nous regardons les fleurs. Une mesure que l’on retrouvera dans bien des échanges de l’ancienne génération, où la dignité, l’entraide et la complicité semblent se poser comme des rocs sous un monde qui vacille.
(6.5/10)
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le 22 déc. 2019
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