Avant toute chose, soyons clairs. Ce film a une réputation catastrophique à cause des libertés qu’il prend avec l’image de Godzilla. Alors que la créature originale allie la puissance du gorille au gigantisme de la baleine, celle de 1998 est un simple iguane qui a légèrement muté suite à des essais nucléaires. S’en suit une agilité toute reptilienne et un aspect de dinosaure bipède particulièrement réaliste. La déception des fans a été telle que la créature a officiellement hérité d’un nouveau nom qui la sépare du monstre de 1954 : Zilla. Monde béni où la foule hurle son envie d’originalité et d’audace pour s’offusquer lorsqu’un réalisateur apporte sa vision d’un mythe.
Alors oui, ce film ne suit pas le chemin de ses ainés et n’offre pas de valse saccadée entre un papillon géant et un dragon tricéphale. Ici, on a droit à une histoire à l’américaine où tout est fait pour rendre le monstre crédible et animal. Et ça marche. Si un fanatique défenseur de l’œuvre originale essaye de vous persuader du contraire, offrez lui un costume en latex de 90 kg et laissez le grogner en écrasant maladroitement ses Legos.
Du côté des acteurs, rien de fou. Jean Reno est impeccable dans un rôle fait pour lui mais le reste sera oublié bien vite. Une nécessité dans un film qui n’a qu’une star : Godzilla. Habilement caché pendant une bonne première demi-heure, le monstre est un régal pour les yeux quand il entre en scène. Vous le verrez gronder, ramper, sauter, manger, détruire et même nager sans jamais douter de sa terrifiante existence. Et quand on se lasse du gros, Roland Emmerich nous offre une bonne centaine de répliques miniatures. En plus de renouveler l’environnement de l’œuvre, l’arrivée des baby-zillas offre des affrontements à taille humaine qui permettent aux militaires de jouer de la mitraillette et de mourir de manière grotesque comme tout second rôle américain qui se respecte. Un peu d’humour dans ce monde de brutes que diable.
Si l’œuvre s’était appelée « Radioactive Rex », elle aurait sans doute été considérée comme un film de monstre efficace et attachant à l’image d’un Cloverfield aujourd’hui. A cause de son titre, elle est considérée comme une plaisanterie innommable indigne de figurer dans la saga Godzilla. Pourtant, il y a fort à parier que nombre de personnes ont découvert le plus grand des Kaijù grâce au film de 1998. Quoi qu’on en dise, il a incontestablement redonné un souffle vital à un mythe titanesque et pétrifiant.
Et s’il vous faut un argument de plus en faveur de ce Godzilla, il se murmure que Jean Reno a refusé le rôle de l’agent Smith dans Matrix pour jouer ce rôle. Qui aurait voulu de Léon face à Néo et Trinity?