"L'homme est bête de croire qu'il peut contrôler la nature."

Critique contenant des spoils.

La première des qualités de ce film (et non la moindre), c'est d'enterrer définitivement le Godzilla d'Emmerich ; déjà, le film des années 90 était ridicule, mais si on le compare avec celui-ci, il devient carrément pitoyable.
Deux scènes, en ouverture, plantent le décor. La première, aux Philipines, instaure l'ambiance. La seconde, au Japon, impose une tension qui ne se démentira pas de tout le film. Car une autre des grandes qualités de ce Godzilla, c'est que le film ne nous laisse pas un instant de répit. Il s'y passe toujours quelque chose, l'action et le rythme ne faiblissent pas.
Le film est émaillé de scènes remarquables, trois d'entre elles ayant retenu mon attention. D'abord une longue séquence au Japon, dans une zone sinistrée qui rappelait fort Monsters, le précédent film du cinéaste. Puis une scène avec un train et un pont. Et enfin la séquence qui était utilisée comme trailer du film l'année dernière, où des soldats sautent en vol libre au-dessus d'un San Francisco dévasté. De ces trois scènes, on peut aisément aboutir aux qualités du cinéaste : certes, il sait très bien raconter son histoire et captiver son spectateur, mais en plus il apporte un grand soin à l'esthétique. Une esthétique centrée sur le thème "découverte de ce qui est caché" : le train en flammes qui surgit dans la nuit, les brumes ou des fumées qui dissimulent les choses.
car le film joue beaucoup avec les regards. Le cinéaste fait souvent appel à la vision interne des personnages, voire même à la caméra subjective. Du coup, on ne voit pas tout ce qui arrive. Edwards fait beaucoup appel à notre imagination. Ainsi, les combats entre Godzilla et les Muto ne sont pas montrés en intégralité : parfois une porte qui se ferme nous en cache la vue, par exemple. De même cette superbe caméra subjective (ce qui est rare, tant ce procédé est rarement réussi) lors de la chute libre.

Un des parti-pris casse-gueule de ce film, et qui est, je trouve, bien abordé, est la psychologisation des monstres. Contrairement à d'autres productions du genre, dans ce film, les monstres ne sont pas des grands méchants qu'il faut détruire par tous les moyens. Godzilla est non pas un destructeur, mais un sauveur d'une humanité perdue. Il est même attendrissant parfois. Et même les Muto ne sont pas des créatures horribles. Leur comportement est le comportement animal normal : nourriture, progéniture, protection. Le réalisateur évite la diabolisation des monstres, qui ne sont que des animaux comme les autres, et les rend même émouvants. Gareth Edwards, le cinéaste qui comprend les monstres, et qui les aime.
Au-delà, ces créatures ont également une fonction : rappeler à l'être humain qu'il n'est qu'un infime moiucheron face à la nature. Serizawa le dit : "l'homme fait la folie de croire qu'il peut contrôler la nature, alors que c'est l'inverse." Le film est donc l'histoire d'une humanité qui comprend que la nature est la plus puissante.
Pour cela, le cinéaste emploie Godzilla, bien sûr, vivante allégorie des forces inconnues de la nature. Mais Edwards multiplie aussi les scènes qui nous reprennent des événements récents : Tsunami de 2004, Fukushima...
De fait, le film insiste bien sur l'absolue incapacité humaine à gérer le problème. Toutes les solutions trouvées par les humains échouent lamentablement. Une façon, là aussi, de rappeler que l'humain ne peut rien face aux forces déchaînées de la nature.
Et fidèle au film des origines (auquel Edwards rend de multiples hommages discrets mais flagrants pour ceux qui peuvent les voir), Godzilla est lié à la peur du nucléaire. Mais là où le film japonais parlait de nucléaire militaire et de bombe atomique, celui d'Edwards parle de nucléaire civil et de réacteur qui fuient.

Alors, bien entendu, le film a des défauts. L'acteur principal est juste transparent, voire inexistant. Et même Ken Watanabe n'est pas aussi talentueux que d'habitude.
Et puis, il y a les défauts tellement associés à ce genre de films qu'on pourrait croire à des parodies. Ainsi, Serizawa qui raconte l'histoire de Godzilla. "et son nom est..."
Plan sur Watanabe qui tourne la tête et regarde le spectateur :
"... Godzilla !"
Autre scène qui m'a fait rire : un monstre détruit une montagne dans le Nevada et se retrouve dans la banlieue de Las Vegas, mais personne ne semble l'avoir remarqué. Bien sûr !
Mais je chipote. Gareth Edwards réalise un film superbe, visuellement très beau, passionnant. Et il invente même le film de monstres intelligent !
Alors, clairement, le film vaudrait 7 ou 8, mais ma note prend en compte le plaisir que j'ai eu en le voyant. Avec ce Godzilla, Edwards réalise un chef d’œuvre du genre, un film qui sera une référence dans les années qui viennent.

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le 25 août 2014

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SanFelice

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