Bandes-annonces oppressantes, affiches intrigantes et synopsis officiel mystérieux : une chose est sûre, la promotion de Godzilla fut habile. Habile car elle promettait beaucoup, sans en dévoiler trop ; ce qui, à l'heure du trailer de 4 minutes, est rare et bienvenu.
Le ton donné est le même que celui auquel on s'attendait, à savoir très sombre, avec une photographie contrastée et désaturée ; suggérant une menace que l'on ne verra pas à l'écran avant une bonne demi-heure. Ce sera là un très bon choix : on sent bel et bien le danger, mais on ne le voit jamais. Comment est-ce possible ? Et bien tout d'abord grâce à une somptueuse bande originale d'Alexandre Desplat (The Grand Budapest Hotel, Argo, Harry Potter...) quasiment constamment présente ; mais aussi grâce au fameux timbre officiel et militaire (les hélicos, les officiers, les scientifiques, etc) qui semble toujours faire recette. Cette première demi-heure est captivante non seulement pour cela, mais également pour une chose totalement inattendue : la psychologie des personnages. Un film qui prend le temps de poser ses protagonistes et leurs affinités, leurs passés, leurs sentiments, c'est rare. Un blockbuster qui le fait l'est encore plus. Et bien Godzilla le fait. La famille Brody et son histoire est justement racontée, entre tentation de l'oubli et irrémissible plongeon dans le passé. Bien évidement, au niveau des personnages il y a quelques problèmes (Ken Watanabe, tu sais changer d'expression du visage ? ; Dr Wates, tu sers à quoi ? ; Bryan Cranston, tu te serais pas un peu foutu de notre gueule en te faisant passer pour le second personnage du film ?) et quelques clichés agaçants (la belle famille américaine avec Papa militaire et Maman infirmière ; le coup du téléphone qui sonne juste au moment ou Papa et Maman allaient s'accoupler bla bla) mais dans un premier temps, ça reste pardonnable. Dans un premier temps.
Et puis après, on a le droit à un mini-rebondissement scénaristique totalement incongru, absent de toutes les bandes-annonce et donc surprenant mais franchement réjouissant. On nous sert quelques séquences apocalyptiques spectaculaires semblables au 2012 de Roland Emmerich mais le tout plongé dans ce même "moule" du blockbuster américain dans son aspect le plus cliché ; séquence hallucinante de ridicule : "tiens petit enfant Japonais perdu, je te donne une figurine d'un soldat américain" ; puis les morales à deux balles sur le sens du mérite, la famille séparée ou autres ; tout ça en plus des sous-intrigues de 15 secondes où tu regardes un chien ou une jeune fille se faire noyer par un tsunami mais où, finalement, t'en as rien à foutre parce que tu sais pas qui c'est ; et tout ce genre de bêtises qui pouvaient peut-être paraître hype y'a 15 ans mais qui sentent vraiment le risible aujourd'hui. Bon et puis comme c'est américain, on parle d'Hiroshima et de Nagasaki pendant 6 secondes top chrono, parce qu'après-tout c'était pas si grave que ça [IRONIE] (alors que Godzilla est justement censé être né du traumatisme japonais des deux bombes hein).
Oui oui, là, ça commence à devenir pénible ; d'autant plus que l'on tend moins vers la psychologie des personnages que sur les scènes d'actions (aussi mémorables soit-elles). Néanmoins, l'ambiance dark fait toujours son effet, avec à la fois un jeu sur la suggestion (Godzilla est souvent vu à travers un écran de télé, derrière une vitre de voiture, etc) et des plans ébouriffants qui dévoilent toute la puissance et la grandeur du monstre, nous rappelant avec un certain sens moral que l'humain est très, très petit face à la nature.
Il ne faut pas non plus se voiler la face : visuellement, c'est énorme ; les effets sont plus crédibles que jamais et on est littéralement transportés lors de la plupart des scènes de destruction massive. Seulement, là où la première partie engageait à une réflexion (certes limitée) sur la condition humaine, sur une menace de l'ombre, sur des sentiments propres aux personnages, la seconde y trouvera une porté restreinte, préférant jouer sur son héros qui va jusqu'au bout du bout du bout (jambe cassée, gueule pleine de sang, je vous passe les détails) pour sauver le monde, sur un pseudo complexe de TOUT faire péter ou de ne RIEN faire péter, sur des effets spéciaux magistraux et sur ces fameuses retrouvailles finales pompeusement renforcées par l'inévitable background musical violon. Le final est foncièrement décevant et pour résumer très grossièrement : plus le film avance, plus il tend vers le mauvais.
Visuellement époustouflant, mais scénaristiquement limité, le Godzilla de Gareth Edwards demeure un très bon divertissement : ni plus ni moins. C'est bel et bien ce qui fait la force du film, mais hélas, aussi sa limite : Godzilla, même revu à la sauce hollywoodienne, reste l'histoire d'un monstre qui détruit une ville. Point. Aussi, en sortant de la salle, cette question de nous hanter : pouvait-on faire beaucoup mieux ?